Médecin

Les médicaments psychotropes peuvent être nécessaires dans certains cas particuliers, à doses minimales et pour une durée adaptée. Malheureusement, de nombreux patients en font un usage chronique.

L’accoutumance et la dépendance que les benzodiazépines entrainent sont délicates, mais possibles à désamorcer. Elles peuvent aussi être évitées en orientant dès le départ les patients vers d’autres solutions, d’ailleurs plus efficaces à long terme.

L’initiation ou non d’un traitement antidépresseurs en cas de dépression doit être analysée. Le degré de gravité de la dépression déterminera si une prescription d’antidépresseurs est nécessaire. 

Consultation Psychosociale en MG

1.1L'approche IPAIA

« DOCTEUR, JE NE SAIS PLUS CE QUE JE DOIS FAIRE... »

En tant que médecin généraliste, vous recevez des patients souffrant de toutes sortes d’affections et de plaintes. La consultation médicale commence toujours par la collecte d’informations et l’exploration de ce que le patient exprime :

       Qui vient, pourquoi, juste maintenant, chez moi ?

Pour certaines consultations, l’exploration de ce qui amène le patient ne prend qu’une faible proportion de votre temps et de votre attention et débouche rapidement vers une anamnèse médicale et un examen clinique. Dans d’autres consultations, la clé d’une aide appropriée consiste au contraire en une exploration approfondie de ce qui préoccupe le patient et l’examen clinique ne sera utile que pour exclure des hypothèses diagnostiques. Les consultations où les plaintes psychosociales jouent un rôle appartiennent sans nul doute à cette dernière catégorie.

L’OUTIL IPAIA POUR LES PLAINTES PSYCHOSOCIALES

En ce qui concerne les plaintes psychosociales, cela vaut la peine d’utiliser la fiche patient IPAIA (Idées-Préoccupations-Adaptations-Impacts-Attentes) du patient :

  • Idées: Quelle est l’interprétation du patient de sa maladie ? « Avez-vous une idée de l’origine du problème ? »
  • Préoccupations : De quoi se préoccupe le patient ? « Qu’est-ce qui vous inquiète ? »
  • Adaptations: Comment gère-t-il le problème ? « Qu’avez-vous déjà essayé pour réduire le problème ? Cela fonctionne-t-il  pour vous ? »
  • Impacts: Quels sont les impacts sur son fonctionnement quotidien ? « Avez-vous beaucoup d’inconvénients ? Evitez-vous de faire certaines choses ? »
  • Attentes: Qu’est-ce que le patient attend de vous ? « Qu’espérez-vous que je puisse faire pour vous concernant ce problème ? »

En tant que « Médecin IPAIA », vous explorez la plainte du patient dans le but de comprendre son histoire et de centrer ensuite la prise en charge sur ses besoins, ce qui est un avantage des consultations psychosociales.

La valeur ajoutée de la recherche d’une histoire autour d’une plainte (psychosociale) est illustrée dans le texte qui suit.

Il vous est également demandé d’examiner certaines difficultés ou problèmes fréquents de santé que vous rencontrez en tant que médecin généraliste : le patient s’attend-il à une à une prescription de psychotropes ou à autre chose ? Et cela doit-il vraiment se faire aujourd’hui ?

1.2L'exploration = un traitement !

POURQUOI EXPLORER UNE PLAINTE DE MANIÈRE APPROFONDIE ?

Comme médecin, vous souhaitez aider votre patient à résoudre ses problèmes de santé. « Ecouter » et « Explorer » sont parfois ressentis par certains généralistes comme de l’inaction… Mais rien n’est moins vrai !

L’approche empathique et approfondie de l’histoire des patients sert à la mise en place de l’aide thérapeutique. Par ailleurs, c’est aussi une intervention thérapeutique en soi : explorer est un traitement qui est nécessaire et parfois suffisant.

Sur base d’une exploration large et globale de la plainte, vous travaillez avec votre patient à une compréhension biopsychosociale de ce qui lui arrive. Votre patient se sent pris au sérieux et se comprend également mieux à la suite de cette exploration détaillée.  Et si vous complétez cette exploration par de la psychoéducation, alors vos interventions peuvent vraiment être thérapeutiques pour votre patient.

1.3L'importance de la psychoéducation

COMPRENDRE = partager UNE INTERPRÉTATION

Votre diagnostic devient une interprétation partagée de la maladie : comprendre constitue la 1ère étape nécessaire vers une intervention adéquate.

Au travers d’une exploration IPAIA approfondie et empathique, vous travaillez avec votre patient à une compréhension biopsychosociale de sa maladie. Vous construisez « en collaboration avec lui » une interprétation partagée : vous apportez, en tant que médecin, votre expertise du fonctionnement biopsychosocial de la personne dans sa globalité. Votre patient amène sa connaissance comme expert de lui-même et de son vécu.

À la suite d’une première exploration (IPAIA), on peut décider d’approfondir la démarche au cours de consultations de suivi. L’exploration répétée vous permet en outre de renforcer votre compréhension mutuelle de la situation. Vous trouverez ci-après un ensemble d’outils d’aide à la pratique utiles dans cette démarche d’exploration de la plainte.

FAIRE LE BILAN : ÉQUILIBRE OU DÉSÉQUILIBRE ?

L'outil d'aide à la pratique Bilan

Si vous recherchez avec votre patient une solution spécifique, durable et efficace, le développement d’une compréhension partagée de la maladie constitue un point d’appui important. Le Bilan peut vous aider à structurer et à synthétiser les informations recueillies lors d’une exploration approfondie de la plainte (IPAIA).

Le Bilan permet la visualisation d’un déséquilibre entre contraintes (éléments « stresseurs », pertes…) et ressources (facteurs de soutien, points d’appui).

Il met les plaintes des patients en perspective avec dans la balance, d’une part, les facteurs déclencheurs et/ou de maintien du problème et d’autre part, les facteurs protecteurs. Cet outil synthétise et organise l’information et permet ainsi l’intégration des données recueillies dans la consultation.

En résumé, en plus de la présentation complète et structurée des éléments exprimés par le patient, il permet de compléter l’information en indiquant les données encore manquantes dans l’histoire du patient.

Les questions du bilan

  • Quelle est la plainte du patient ?
    « Pouvez-vous m’indiquer ce qui vous pose problème et pourquoi vous venez chez moi ? »
  • Impact de la plainte
    « Quelles sont les conséquences de ce problème en termes d’évitement ou de limitations ? »
  • Facteurs favorisants/stressants
    « Quels sont les facteurs/événements de votre vie quotidienne qui engendrent des tensions/du stress ? » / « Qu’est-ce qui constitue actuellement une entrave à votre fonctionnement normal ? »
  • Facteurs soutien/points d’appui
    « Quels sont les facteurs dans votre vie quotidienne qui permettent de vous relaxer ou de vous donner de l’énergie ? » / « Quels sont les éléments qui vous permettent de vous évader ou de vous donner du courage ? »
  • Personnalité
    « Si votre conjoint/enfants/amis... devai(en)t vous décrire et indiquer qui vous êtes, que diraient-ils ? Et comment vous décririez-vous? Quelle influence votre personnalité peut-elle avoir sur vos plaintes ?
  • Stratégies d’adaptation antérieures(par exemple, l’importance de l’alcool ou des médicaments).
    « Comment avez-vous fait dans le passé pour faire face à des situations difficiles ? » / « Y a-t-il des éléments qui ont pu vous aider à gérer les situations difficiles ? » / « Certaines personnes consomment parfois de l’alcool ou d’autres substances pour se détendre. Est-ce aussi le cas pour vous ? ».

Vous pouvez demander aux patients de prendre le temps pour compléter chez eux un bilan des contraintes et ressources. Vous mettez ainsi votre patient au travail comme expert de lui-même et vous programmez ensuite ensemble une consultation de suivi pour continuer la prise en charge.

Une consultation qui prend du temps 

Il est tout à fait normal que l’établissement de ce bilan (et donc l’exploration large de l’histoire des patients) puisse prendre plus d’une consultation. Prendre le temps nécessaire pour vous et votre patient pour aboutir à une compréhension large constitue en soi une intervention majeure : vous montrez ainsi que vous prenez ses plaintes au sérieux et c’est ce dont il a le plus besoin. En outre, l’exploration constitue déjà une forme d’aide : l’exploration est un traitement.

La personnalité du patient

La personnalité du patient lui-même joue un rôle dans ce bilan, au travers de ses habitudes de vie, de son style d’adaptation et de ses caractéristiques personnelles. La personnalité joue un rôle tant dans les capacités que dans les vulnérabilités et peut exercer une influence tant positive que négative sur cet équilibre. La métaphore d’une balançoire est déculpabilisante et libératrice pour les patients. Être en déséquilibre ne dépend pas seulement de la personne, mais aussi des circonstances.

Par exemple, le caractère perfectionniste peut avoir un impact positif sur les capacités : il est un moteur pour de nombreuses personnes et conduit à de belles réalisations. Cependant, être trop perfectionniste peut se transformer en vulnérabilité et exercer une influence contre-productive sur les résultats obtenus. De là, une belle conclusion : l’excès nuit en tout et le perfectionnisme doit aussi connaître certaines limites, car il a ses bons et ses mauvais côtés. Il est important de trouver un équilibre.

LES 3 QUESTIONS DU PATIENT

Votre contribution comme médecin expert dans le développement d’une compréhension de la maladie de votre patient peut aller plus loin et s’enrichir. Votre patient vient souvent en consultation avec 3 questions importantes, et ce, même en cas de plaintes psychosociales :

  1. Qu’est-ce que j’ai ? (Diagnostic) 
  2. A quoi est-ce dû ? (Cause ou mécanisme)
  3. Comment puis-je aller mieux ? (Traitement)

Il est important que vous puissiez avec votre patient répondre à ces 3 questions. La psychoéducation/l’information au patient facilite le décours et l’issue du traitement des plaintes psychosociales. Le patient est ainsi plus conscient de ses propres problèmes et des mécanismes qui y jouent un rôle. Cette prise de conscience est une condition préalable dans la recherche d’une solution appropriée.

L’IMPORTANCE DE LA PSYCHOÉDUCATION

L’objectif de la psychoéducation est d’arriver à une compréhension partagée de la maladie. Cela vous offre l’opportunité de déconstruire les fausses croyances du patient au sujet de ses plaintes. Il est essentiel d’adapter les explications aux besoins et aux connaissances existantes de votre patient. Une explication sur mesure n’est possible que si vous disposez d’une exploration suffisamment large.

Donner une information spécifique pour chaque plainte à votre patient peut l’aider à comprendre ce qui lui arrive. Une meilleure compréhension représente déjà un traitement en soi.

Le diagnostic et la psychoéducation permettent d’ouvrir de nouvelles voies à explorer. Dans l’idéal, le diagnostic, l’interprétation commune de la maladie et la psychoéducation découlent d’une exploration approfondie de l’histoire du patient (IPAIA). En fonction des spécificités de la plainte et du diagnostic, vous savez, en tant qu’expert, quels sont les éléments qui sont importants à explorer davantage.

 

Une compréhension partagée de la maladie (bilan et exploration spécifique aux plaintes) aide votre patient à comprendre ce qui lui arrive. Cette compréhension est une première étape indispensable à des interventions thérapeutiques adéquates. Pour certains patients, cette compréhension est déjà un traitement qui peut être suffisant en soi.

1.4De la plainte à l'histoire

REPLACER LA PLAINTE DANS SON CONTEXTE

Certains patients présentent leur plainte psychosociale comme telle et établissent eux-mêmes le lien avec des facteurs sociaux ou psychologiques. D’autres ressentent et évoquent leur plainte uniquement sur le plan somatique et font le lien avec l’une ou l’autre maladie possible (des plaintes fréquentes sont ainsi les problèmes de sommeil, les difficultés respiratoires, les maux de tête, les douleurs abdominales,...). Une exploration large et globale permet donc de situer la plainte dans un contexte biopsychosocial.

LE MODÈLE PLAINTE-Contexte-PERSONNE

Une plainte biopsychosociale s’inscrit toujours dans un contexte. Le modèle PCP peut être à cet égard un support de travail :  P représente les plaintes, C le contexte et P la personne. Cela signifie que les plaintes doivent toujours se comprendre en fonction, d’une part du contexte et d’autre part, en fonction de la manière dont ce contexte est vécu par la personne.

Ce modèle met les plaintes du patient en perspective et illustre qu’elles sont la conséquence d’une conjonction de facteurs. 

Plainte

Contexte

Personne

Anxiété lorsqu’il doit se rendre sur son lieu de travail.

 

Nouvelles tâches qu’il ne connaît pas bien, pression de travail plus élevée, comparaison avec les collègues qui les font avec facilité.

Il se fixe un niveau d’ambition toujours plus élevé, mais cela ne fonctionne plus. Il devient de plus en plus insécurisé.

Difficultés de sommeil et fatigue pendant la journée.

Situation de séparation, avec de nombreux conflits. Récemment craintes concernant la scolarité de leur fils aîné.

Personnalité renfermée. Elle ne veut déranger personne et souhaite tout résoudre seule.

EXPLORER POUR FAIRE DES LIENS

Pour certains patients, l’exploration du fonctionnement psychosocial permet de mettre à jour des liens qu’il ne percevait jusqu’alors. D’autres patients peuvent eux-mêmes faire des liens avec leurs plaintes physiques, mais ont des difficultés à en parler lors de la consultation. Quoi qu’il en soit, lorsque selon vous, une approche psychosociale est indiquée, une exploration large et globale sera nécessaire. Cette exploration approfondie de l’histoire du patient servira de base à la mise en place d’une prise en charge adaptée. Elle peut également amener votre patient à établir des liens entre, par exemple, son contexte psychosocial et son fonctionnement physique. Ainsi en lui posant des questions pertinentes, vous aidez le patient à prendre conscience de sa situation psychosociale, dans son ensemble.

Une exploration large et globale permet non seulement de disposer d’éléments nécessaires à établir un diagnostic pertinent, mais constitue également une base pour une prise en charge adaptée.

PRENDRE LE TEMPS

Vous trouvez qu’une exploration approfondie prend beaucoup de temps ?

Les patients attendent en premier lieu d’être et de se sentir écoutés, que leurs plaintes soient prises au sérieux. Une exploration approfondie veille à ce que les patients se sentent pris en considération et constitue en soi une forme d’aide et donc un gain de temps : l’exploration de l’histoire de la plainte est déjà un traitement. À plus long terme, cela entrainera un gain de temps.  

En outre, gardez à l’esprit qu’une exploration large des plaintes lors de l’anamnèse permet, potentiellement, de se satisfaire d’un examen clinique plus restreint. De ce point de vue également, l’exploration large peut représenter un gain de temps.

Contrairement à de nombreuses autres consultations, le médecin ne peut pas proposer une solution « clé sur porte » ou prescrire un médicament qui puisse le « guérir ». Cela peut créer chez le soignant un sentiment d’impuissance et d’insatisfaction.
De nombreux facteurs peuvent contribuer à la tentation pour le médecin d’accélérer le rythme d’une consultation psychosociale. Cela vaut toutefois la peine de pas céder trop vite : le temps porte conseil. Prendre le temps d’écouter et d’explorer l’histoire du patient lui donne l’occasion de prendre conscience et d’exprimer ce dont il a besoin.

LES OUTILS d'aide à la pratique

L’utilisation du carnet de bord constitue la base des interventions non médicamenteuses centrées sur les plaintes du patient.

Vous pouvez utiliser les outils suivants :

1.5Les attentes du patient

DÉCOUVRIR LES ATTENTES DU PATIENT

Lors de l’exploration à l’aide de l’IPAIA, il est utile de demander explicitement quelles sont les attentes du patient. Et cela vaut certainement la peine en cas de plaintes psychosociales.

Des études démontrent que la prise de médicaments (psychotropes) ne constitue pas nécessairement l’attente première des patients, mais que le médecin généraliste conclut souvent trop rapidement que tel est bien le cas. Demander clairement quelles sont les attentes du patient peut représenter un gain de temps et d’énergie : il est possible que votre patient ne soit pas demandeur d’une solution « clé sur porte » et qu’il soit ouvert à des pistes alternatives.

Les consultations psychosociales sont souvent des consultations complexes : pour les médecins généralistes, elles peuvent déboucher sur le sentiment qu’elles n’aboutissent à rien de concret. Nommer les attentes permet au médecin et à son patient de s’accorder : «Qu’attendez-vous de la consultation d’aujourd’hui ? Vous vous attendiez à autre chose ? ».

QUE FAIRE SI VOTRE PATIENT S’ATTEND À UNE PRESCRIPTION DE PSYCHOTROPES ?

Il va de soi que certains patients sont en attente d’une prescription médicamenteuse :

« Un calmant ou un somnifère docteur, ce sera une solution pour moi. Cela ne peut plus continuer ainsi, je ne parviens plus à fonctionner, il doit se passer quelque chose, je dois avoir un médicament… »

Une attente aussi explicite vous donne l’occasion de discuter davantage des approches possibles.

Vous pouvez, en tant que médecin, faire preuve d’empathie face à la situation de votre patient, mais vous ne devez pas nécessairement entériner la solution qu’il envisage. Une demande de prescription de psychotropes est souvent à placer dans le contexte d’attente de solutions ou de changements des patients.

En apportant une autre vision du problème et/ou en l’informant d’alternatives, vous lui proposez des pistes de solutions auxquelles il n’aurait pas pensé d’emblée. C’est également pour cette raison que les patients vous consulte.

Lorsque le patient demande expressément un médicament, vous pouvez lui renvoyer la question : « Qu’attendez-vous de ce médicament ? Que pensez-vous qu’il puisse faire pour vous ? »

Il est très probable que votre patient vous réponde comme suit : « Je souhaite en premier lieu une solution et le plus rapidement possible, car il ne m’est plus possible de continuer comme cela… Je ne peux plus supporter la situation. »

Le médecin : « Je comprends cela parfaitement et il me semble donc très important que nous cherchions une solution satisfaisante pour vous. Vous pensez au médicament comme à une solution. La médication est de fait une des possibilités. Cependant, j’ai en tant que médecin quelques préoccupations concernant ces médicaments. Acceptez-vous que je vous donne quelques explications à ce sujet ? »

La gestion des problèmes psychosociaux est comparable à celle des affections somatiques : vous ne devez pas nécessairement adhérer au traitement que le patient a envisagé. Il est utile d’explorer ces attentes afin d’apporter une valeur ajoutée et de lui permettre un choix en connaissance de cause. En tant que médecin généraliste, vous informez votre patient de manière objective quant aux avantages et aux inconvénients des psychotropes et vous lui faites part également des autres possibilités de traitement.

Les psychotropes ont leurs avantages, mais ils présentent également de nombreux inconvénients.

Vous trouverez un certain nombre d’informations à ce sujet dans la brochure somnifères & calmants. Cette brochure peut vous aider à apporter un éclairage à votre patient sur les données scientifiques relatives aux avantages et aux inconvénients de ces médicaments.

Vous pouvez aussi remettre ce document à votre patient. Opter pour des psychotropes peut découler d’un processus de prise de décision partagée. Vous pouvez décider avec votre patient que les médicaments semblent momentanément constituer la meilleure solution à son problème. Néanmoins, il est important de mettre en évidence les avantages et les inconvénients des somnifères et des calmants. Le choix d’une « pilule comme solution » doit être un choix effectué en toute connaissance de cause.

1.6Les consultations de suivi

Les CONSULTATIONS DE SUIVI ?

UNE CONSULTATION DE SUIVI PEUT REPRÉSENTER UNE PREMIÈRE ÉTAPE IMPORTANTE

Les patients espèrent souvent que leurs problèmes se résolvent le plus rapidement possible. Malheureusement, c’est rarement le cas dans l’espace d’une seule consultation. Vous mettez en place la première étape importante lors de la première consultation : l’exploration, qui est déjà un traitement. Cependant, cette intervention nécessaire n’est souvent pas suffisante.

Des solutions durables pour les plaintes psychosociales nécessitent, outre une exploration approfondie, des interventions personnalisées. Tout cela se fait étape par étape et nécessite du temps. Vous pouvez informer votre patient que vous souhaitez prendre le temps nécessaire pour trouver ensemble une solution durable et pertinente.

« Je comprends que vous souhaitiez être soulagé aussi rapidement que possible et de préférence en sortant d’ici. Je crains, cependant, qu’une solution standard à votre problème ne soit pas facile à trouver. Autrement, vous ne seriez pas là aujourd’hui. Je vous propose d’investir ensemble le temps nécessaire pour identifier une solution qui vous convienne. Qu’en pensez-vous ? »

Une solution efficace et persistante n’est toutefois pas atteignable dans tous les cas. Cependant, il est toujours possible de mettre en place conjointement de petites améliorations ou des moyens de réduire autant que possible les problèmes de santé, en tenant compte des contraintes du patient.

LES AVANTAGES DE PLANIFIER UNE CONSULTATION DE SUIVI

Tout d’abord, en tant que médecin, la consultation de suivi vous donne la possibilité de prévoir davantage de temps à un moment qui vous convient.

En outre, cette consultation vous permet également de mettre votre patient au travail : vous pouvez lui donner des tâches à réaliser ou lui remettre un (des) questionnaire(s) visant à explorer la plainte de manière encore plus large et plus complète. Le patient peut également entreprendre déjà certaines actions en utilisant ses propres ressources.

QUAND PRESCRIRE DES PSYCHOTROPES ?

Parfois « maintenant » est réellement « maintenant ». Prescrire des psychotropes pourrait être pertinent comme réponse à une situation de crise et en attendant la consultation de suivi (quelques jours). Il est évident que, dans ce cas, les inconvénients et les risques de l’usage des psychotropes doivent être discutés, que le patient soit suivi de manière soutenue et qu’il comprenne que le traitement prescrit est une réponse temporaire à une situation exceptionnelle. 1 personne sur 3 qui débute une BZD l’utilise toujours après 8 ans. Ce qui apparaît comme une solution à court terme devient fréquemment un problème à long terme.

Si vous avez programmé une consultation de suivi avec votre patient, celui-ci peut, dans l’intervalle, se mettre au travail. Vous pouvez remettre au patient des fiches d’information ou des documents à compléter qui l’aideront à faire une exploration approfondie de ses plaintes. 
Après l’IPAIA, vous continuerez à préciser un diagnostic avec votre patient (peut-être dans le cadre d’une consultation de suivi), vous permettant de comprendre le problème.

1.7Intervention thérapeutique

TRAITEMENT : INTERVENIR ADÉQUATEMENT

Pour certains patients, la compréhension de leur plainte d’un point de vue biopsychosocial au départ d’une compréhension partagée de la maladie peut déjà être thérapeutique, voire suffisante.

Pour encourager le patient à partager ses pensées sur le processus thérapeutique (comment pense-t-il qu’on peut l’aider), les questions suivantes peuvent être utiles :

  • Actions à mettre en place : Si nous regardons à présent le bilan, que pensez-vous qu’il devrait être fait ?
    Action physique ou psychologique, changement d’environnement ?
  • Motivation : Quelles sont, selon vous, l’importance et la faisabilité de votre objectif ?
    Pour obtenir une guérison plus complète, afin d’éviter d’aggraver, pour traverser cette période, afin d’être moins démoralisé, pour apprendre à vivre avec les plaintes...
  • Ressources : Comment faire évoluer les choses ? Qui peut vous y aider ?
    Le patient et/ou l’environnement ? Le médecin généraliste ou d’autres professionnels de santé (psychologues, psychothérapeutes) peuvent-ils jouer un rôle ?
  • Planification: Combien de temps vous donnez-vous pour viser un changement ?
    Comment le patient voit-il les choses à court, moyen ou long terme ?

(R)AMENER LE PATIENT À L’ÉQUILIBRE

REFAIRE UN BILAN

La manière la plus facile et la plus accessible pour initier une intervention comme médecin est d’analyser la fiche patient Bilanqui suggère déjà plusieurs domaines dans lesquels un changement pourrait être envisagé:

  • Comment est-il possible d’augmenter les ressources ?
  • Comment peut-on réduire les contraintes ?
  • Quelles stratégies d’adaptation peut-il adopter ?

À l’aide du Bilan, vous pouvez ébaucher des réponses à ces questions. Votre patient est le mieux placé pour y répondre, avec les connaissances qu’il a de lui-même.

Poser à votre patient des questions adéquates et en rapport avec son bilan a, potentiellement, un effet à la fois thérapeutique et préventif. Le patient peut ainsi trouver des moyens pour se remettre en équilibre. Vous évitez en outre que le patient ne devienne chroniquement déséquilibré, avec tout ce que cela implique...

LE PATIENT COMME EXPERT DE LUI-MÊME

Les réponses aux questions ci-dessus sont, par définition, très personnelles et connaissent des variations individuelles importantes. Quel que soit votre degré d’expertise et d’intention d’aider votre patient par vos conseils et vos actions, il est important de lui laisser prendre le rôle d’expert de sa propre vie. Vous balisez le chemin par vos questions et votre patient est le mieux placé pour y répondre. Vous créez ainsi un cadre approprié dans lequel le patient peut développer ses propres solutions.

UNE APPROCHE CENTRÉE SUR LA PLAINTE

En plus du rétablissement d’un équilibre, certaines plaintes nécessitent davantage d’interventions et une approche centrée sur les plaintes peut alors être une étape utile en médecine générale.

Le médecin peut jouer un rôle important dans l’approche non médicamenteuse des plaintes psychosociales. Une approche centrée sur les plaintes s’appuie toujours davantage sur la psychoéducation et en tant que médecin, vous pouvez l’ajouter à la construction d’une compréhension partagée de la maladie. Vous pouvez discuter avec votre patient pour savoir s’il vous autorise à examiner, au travers de la psychoéducation, comment agir sur ses plaintes. Ici aussi, vous pouvez transformer votre compréhension partagée de la maladie en un processus thérapeutique :

« Si l’on considère le bilan que nous avons réalisé, nous pouvons constater la présence d’un déséquilibre global, en lien avec différents facteurs. Nous pouvons tenter de corriger ces facteurs, progressivement. D’autres part, vous avez formulé des plaintes spécifiques concernant votre sommeil / stress / anxiété, qui agissent également négativement sur votre équilibre. Seriez-vous d’accord que nous réfléchissions ensemble à la façon d’améliorer ces plaintes ? Quelle pistes de solution vous semblent pertinentes ?

DES OUTILS POUR ET PAR LE PATIENT

Une approche centrée sur les plaintes du patient exige de disposer de suffisamment d’informations au sujet de celles-ci. Leur compréhension est par ailleurs nécessaire pour intervenir de manière appropriée. Vous pouvez vous appuyer sur un carnet de bord pour examiner ces plaintes de manière approfondie. Votre patient pourra ainsi se mettre au travail en utilisant ce carnet de bord ou un schéma 5’.

  • Un carnet de bord permet au médecin et au patient de faire des liens entre les évènements et les circonstances qui entrainent un comportement (ou une plainte) déterminé.
  • Dans le schéma 5’, une situation spécifique peut faire l’objet d’un examen approfondi. Elle peut s’analyser comme une suite de : Circonstances — pensées — émotions — comportements — conséquences. Cette analyse permet de mieux comprendre pourquoi un comportement persiste.

Dans de nombreux cas, les pensées et les comportements représentent des cibles potentielles pour initier un changement chez le patient.

La psychoéducation constitue déjà une restructuration cognitive en soi. Vous intervenez alors sur la composante « Pensées » du schéma comportemental.

Une exploration des ruminations peut contribuer à diminuer l’importance de celles-ci. Là aussi, votre intervention s’adresse à la composante « Pensées » du schéma comportemental.

UTILISER LE CARNET DE BORD EN CONSULTATION

Les observations récoltées dans le carnet de bord nécessitent une consultation de suivi. Lorsqu’un patient vient avec un carnet de bord complété, le mieux est de lui donner l’occasion de vous faire part de ce qu’il a observé ou a appris en le remplissant. Comme médecin, il vous revient de baliser la voie en posant des questions appropriées.

« Si on regarde votre carnet de bord, quel est votre rôle dans le problème ? Est-ce que cela vous apprend quelque chose sur vos plaintes et leur origine ? Y a-t-il quelque chose, dans ce que vous avez noté, qui vous paraît pouvoir être changé ? »

A ce stade, il est important de savoir que les « pensées » et les « comportements » de votre patient sont des points d’appui pour amorcer un changement. Encourager votre patient à rechercher des alternatives aux pensées et aux comportements habituels constitue une intervention thérapeutique très utile. Dans le cadre d’une consultation de suivi, vous pouvez utiliser le carnet de bord comme outil d’intervention.

Insomnie

2.1Exploration

LES TROUBLES DU SOMMEIL

Environ 30 % de la population de plus de 15 ans présentent des troubles du sommeil, mais seuls 10 à 20 % consultent un médecin généraliste. L’approche non médicamenteuse des plaintes de sommeil requiert en premier lieu une exploration large et globale, même si le patient consulte avec une plainte précise. Toutes les interventions médicamenteuses et non médicamenteuses reposent sur une exploration détaillée. En ce qui concerne les attentes de votre patient en rapport avec ses plaintes de sommeil, vous disposez, en tant que médecin, de la légitimité de proposer, le cas échéant, une consultation de suivi et d’aborder la question des consultations psychosociales (voir chapitre 1).

Nous parlons de troubles du sommeil lorsque le patient se plaint de la quantité ou de la qualité du sommeil (besoin de bien plus de 30 minutes pour s’endormir, réveils en cours de nuit, réveil précoce avec incapacité à se rendormir). L’expérience subjective du patient prévaut donc ici.

Il s’agit d’insomnie lorsque ces problèmes de sommeil impactent également le fonctionnement pendant la journée (fatigue, problèmes de concentration, irritation, …).

Si le patient indique qu’il dort mal mais ne présente pas de symptômes au niveau de ses capacités fonctionnelles diurnes, on utilise le terme de pseudo-insomnie.

Les autres troubles du sommeil (syndrome d’apnées obstructives du sommeil, syndrome des jambes sans repos, crampes nocturnes, narcolepsie, syndrome de retard de phase du sommeil…) ne seront pas pris en compte ici.

Quand les troubles du sommeil durent plus de 3 mois, on considère qu’ils sont chroniques.

LeS PERSONNES LES PLUS EXPOSÉES

Un certain nombre de caractéristiques propres à la personne sont liées aux troubles du sommeil. Ceux-ci sont :

  • Plus fréquents chez les personnes âgées (37% chez les personnes âgées contre 24% chez les personnes entre 15 et 24 ans) ;
  • Plus fréquents chez les femmes (33%) que chez les hommes (26%) ;
  • Plus fréquents parmi les personnes peu qualifiées (31%-43%) que parmi les personnes hautement qualifiées (26%) ;
  • Corrélés aux périodes de stress;
  • Souvent associés à des affections somatiques ou psychiatriques chroniques.

CONSÉQUENCES DES TROUBLES DU SOMMEIL

Les troubles du sommeil sont souvent la conséquence d’une série d’autres problèmes (« la nuit est le miroir du jour »). Cependant, au bout d’un certain temps, ils peuvent entraîner à leur tour d’autres plaintes ou symptômes. On fait dès lors la distinction entre l’insomnie avec ou sans comorbidité.

Selon des études épidémiologiques, l’insomnie persistante est associée à des problèmes sur le plan des capacités fonctionnelles à la maison et au travail (avec entre autres un absentéisme croissant), un risque accru de chutes, d’accidents de la route, d’accidents du travail, ainsi que de problèmes psychiatriques (dépression, anxiété, addictions, démence). L’apparition d’un cercle vicieux rend complexe la possibilité de classer et d’interpréter correctement les plaintes de sommeil de votre patient. Il est dès lors important de réaliser une exploration systématique et approfondie des plaintes de sommeil.

2.2Guide pratique diagnostique

recommandations et principes cliniques en vue d'explorer la plainte

Pour une approche approfondie et empathique, vous pouvez vous référer aux principes cliniques ci-dessous.

Les outils d’aide à la pratique suivants peuvent également être utiles en consultation :

 

  1. Caractériser la plainte : structure du sommeil et fonctionnement en journée

Analysez le schéma sommeil-éveil du patient. Il est recommandé de proposer un agenda du sommeil : faites noter au patient l’évolution de ses nuits/plaintes pendant une quinzaine de jours.  Cet agenda aide à objectiver ce que le patient comprend par une bonne nuit de repos. 

Examinez attentivement le fonctionnement quotidien. Quelles sont les plaintes en journée (manque de concentration, fatigue, distraction et irritabilité, oublis...) ? L’incidence sur le fonctionnement est en effet le critère par excellence d’un diagnostic d’insomnie.

Un journal de sommeil permet de calculer l’efficacité du sommeil :

Efficacité du sommeil = (temps total de sommeil / temps au lit) x 100

2. Explorer les idées et préoccupations du patient

Pour vous y aider, vous pouvez utiliser le questionnaire sur les problèmes de sommeil. Les patients émettent souvent des hypothèses personnelles sur la cause de leur problème sommeil. Vérifiez les opinions, représentations et sentiments de votre patient à ce sujet.

3. Questionner les attentes du patient

Le questionnaire sur les problèmes de sommeil peut vous être utile. La recherche du schéma idéal de sommeil pour votre patient est une donnée importante. Le patient attend-il quelque chose de concret ?  Cette information pourra vous aider à progresser dans la recherche d’une stratégie de traitement conjointe.

4. Depuis combien de temps y a-t-il un problème de sommeil ? 

Déterminer la durée du problème de sommeil peut également se faire sur base du questionnaire sur les problèmes de sommeil. A partir de 3 mois, on parle d’une insomnie chronique.

En cas de problèmes de sommeil aigus (jusqu’à 4 semaines, on parle plus souvent d’une cause connue (par exemple, problèmes de séparation, pression au travail, problèmes financiers...). Les troubles chroniques du sommeil ont souvent plusieurs causes et le conditionnement négatif y joue un rôle essentiel. La distinction entre l’insomnie aiguë, subaiguë ou chronique a des implications pour la prise en charge ultérieure.

5. Quelles solutions le patient a-t-il déjà tentées pour résoudre son problème (coping) ?

Toujours au départ du questionnaire sur les problèmes de sommeil, il est important d’observer le ou les comportement(s) que les patients adoptent pour faire face à leurs plaintes (comportements d’évitement, prolonger la durée de présence au lit, aller au lit plus tôt, faire des rituels de coucher, peur d’aller dormir...).

6. Interroger la prise éventuelle de somnifères

En plus de la consommation de médicaments, demander ici également si ses efforts d’adaptation ont conduit à une amélioration.

7. Explorer les « évènements de vie » (life events)

Le patient ne fait parfois pas immédiatement le lien entre un évènement de vie et son impact sur sommeil. Toutefois, la cause la plus fréquente des difficultés de sommeil concerne des changements de vie… (« la nuit est le miroir du jour »). Le questionnaire sur les problèmes de sommeil peut aussi être utilisée pour cette exploration.

8. Troubles anxieux et troubles de l’humeur ?

Un questionnaire à proposer au patient est le PHQ-9.

9. Exclure d’autres plaintes physiques

Il s’agira, par exemple, de douleurs, de démangeaisons, de sensation de soif, de pyrosis, de nycturie, de toux, de dyspnée, d’obstruction nasale, de sueurs nocturnes, de palpitations... Un examen physique complet n’est pas nécessaire sauf si le patient signale également des problèmes de santé physiques.

10. Investiguer les conditions de vie et de travail du patient

À cet égard, il vous est possible d’utiliser le questionnaire sur les problèmes de sommeil ou la fiche patient sur l’hygiène du sommeil. Le patient fait un travail à horaires variables, est confronté aux effets du décalage horaire, a été hospitalisé, dort dans une chambre à coucher bruyante…

11. Investiguer si le patient prend des substances psychoactives ou des médicaments

L’utilisation d’un questionnaire sur les problèmes de sommeil ou la fiche patient sur l’hygiène du sommeil peut vous aider à évaluer la consommation d’alcool, de caféine, de drogues, d’antidépresseurs de type SSRI ou tricycliques ainsi que les tentatives du patient à les arrêter, malgré les symptômes de sevrage qui leur sont liés.

12. Investiguer la présence de signes typiques de troubles du sommeil 

Demander par une hétéroanamnèse des indications sur la présence de troubles du sommeil (en particulier en ce qui concerne une somnolence diurne sérieuse) :

  • Périodes d’arrêts respiratoires durant la nuit, ronflements -> syndrome d’apnées du sommeil.
  • Jambes sans repos ou crampes nocturnes -> syndrome de jambes sans repos. Si oui, investiguer la présence de varices, de neuropathie périphérique ou de sténose artérielle périphérique ;
  • Brusques moments d’endormissement involontaire, faiblesses musculaires soudaines de quelques secondes ou minutes -> narcolepsie ;
  • Heures d’endormissement tardives (entre 2h et 6 h du matin), difficultés pour se lever et/ou sommeil prolongé -> syndrome de retard de phase.

 

2.3Psychoéducation

L’IMPORTANCE DES EXPLICATIONS

La compréhension du problème constitue une étape décisive pour le patient. Vous pouvez mettre en perspective les plaintes du patient en utilisant la fiche patient Bilan . Les plaintes (somatiques) du patient s’inscriront ainsi dans une approche biopsychosociale plus large, qui permettra d’intégrer toutes les données cliniques et de donner de la structure et de la consistance à l’histoire que raconte le patient. Une explication est déjà un traitement en soi.

Outre l’exploration et l’aide à la compréhension du fonctionnement biopsychosocial de votre patient, il est important, en tant que médecin généraliste, de partager des informations spécifiques sur les plaintes (psychoéducation).

Avec son accord, informez votre patient quant aux caractéristiques d’un sommeil réparateur et sur les troubles du sommeil en adaptant vos explications à ses besoins et ses connaissances. Le cas échéant, vous pouvez également lui remettre la brochure d’information Insomnie et trouble du sommeil.

LES 3 QUESTIONS DU PATIENT

Votre contribution en tant que médecin à la compréhension de la maladie de votre patient peut encore aller plus loin, si vous explorez avec le patient les trois grandes questions qu’il se pose :

  • Qu’est-ce que j’ai ?
  • A quoi est-ce dû ?
  • Comment puis-je aller mieux ?

QU’EST-CE QUE J’AI ?

Votre patient a tout d’abord besoin d’explications quant aux caractéristiques d’un sommeil réparateur, afin de comprendre quel est le problème. En l’informant ainsi, vous pouvez faire évoluer ses attentes et ses représentations sur le sommeil.

  1. Le nombre d’heures de sommeil idéal diffère d’un individu à l’autre : la plupart des personnes ont besoin de 6 à 8 h de sommeil.  En vieillissant, elles ont souvent besoin de moins de sommeil et se réveillent plus souvent. En réalité, la fatigue ressentie et les capacités fonctionnelles au cours de la journée sont des éléments plus pertinents pour évaluer la qualité du sommeil que le nombre d’heures de sommeil.
  2. La structure du sommeil change au cours de la vie et les besoins de sommeil diminuent souvent avec l’âge.
  3. Le temps nécessaire à s’endormir varie fortement d’une personne à l’autre. Une période plus longue n’est pas nécessairement anormale ou problématique.
  4. Le sommeil est composé de différentes phases qui se répètent plusieurs fois durant la nuit. Au fur et à mesure que la nuit avance, le sommeil devient moins profond et il est normal de se réveiller brièvement. Rattraper le sommeil pendant la journée maintient les problèmes de sommeil.  Mieux vaut maintenir le même rythme sommeil-éveil ; un sommeil plus profond assure une récupération suffisante.
  5. L’insomnie touche 30 % des adultes.
  6. Les somnifères et l’alcool altèrent l’architecture restauratrice normale du sommeil.

La brochure d’information Somnifères et calmants peut vous être utile et être remise également au patient.

A quoi est-ce dû ? 

Le fait de mal dormir risque d’entraîner un cercle vicieux.

Vous pouvez donner des explications au patient en vous appuyant sur l’outil d’aide à la pratique Cercle de l'insomnie.

Un mauvais sommeil peut générer des angoisses et de la frustration. Vous pouvez, par exemple, avoir peur que le manque de sommeil chronique ne vous permette pas de fonctionner de façon satisfaisante. Le fait de mal dormir peut également entraîner des habitudes de sommeil problématiques. Vous allez, par exemple, vous coucher de plus en plus tard parce que vous redoutez ce moment ou encore boire un verre d’alcool pour faciliter l’endormissement. Toutes ces conséquences possibles maintiennent un sommeil de mauvaise qualité et vous entrainent ainsi dans une spirale négative.

En cas de problèmes de sommeil chroniques, le conditionnement joue un rôle important, menant à ce que l’idée de devoir dormir ou même la simple vue du lit soit suffisante pour entrer dans le cercle vicieux de l’insomnie.

COMMENT PUIS-JE aller mieux ?

La compréhension et l’explication du Cercle de l'insomnie permettent de proposer des interventions dans différents domaines.

La psychoéducation vous amène à une compréhension commune du traitement.

2.4Intervention du MG quant aux plaintes

Pour certains patients, la compréhension de leur plainte d’un point de vue biopsychosocial (la compréhension partagée) est déjà une bonne chose, elle est même parfois suffisante. La compréhension représente, pour ceux-ci, une intervention en soi, qui peut mener à une amélioration satisfaisante.
Si la compréhension du problème ne suffit pas, elle offre au moins un tremplin vers une intervention adaptée  et de qualité, à savoir :

1°  retrouver un juste équilibre (en consultation de médecine générale),

2°  une approche centrée sur la plainte (en consultation de médecine générale)

3°  une approche centrée sur l’orientation de la personne (voir chapitre 6).

Outre la recherche du rétablissement d’un équilibre, davantage d’interventions seront nécessaires chez certains patients. Ainsi, après ou parallèlement à cette recherche d’un équilibre, une approche centrée sur les plaintes peut être une étape utile.

Une approche non médicamenteuse est toujours la première étape à privilégier.

L’approche centrée sur les plaintes de sommeil consiste à d’abord apprendre à se détendre  (techniques pour la diminution du stress) plutôt qu’à apprendre à dormir. Apprendre à se détendre (aussi pendant la journée) favorise une meilleure qualité de sommeil. Le réel objectif est d’améliorer le fonctionnement du patient en journée (et d’éviter les somnolences diurnes), et pas d’accroître la quantité de sommeil de votre patient.

Ce travail d’apprentissage est parfois difficile à concilier avec un traitement médicamenteux.

Approche CENTRÉE SUR Les PLAINTEs (3 etapes)

Étape 1 : agenda du sommeil-éveil + hygiène du sommeil + information au patient

Une approche des troubles du sommeil centrée sur les plaintes requiert toujours des informations suffisantes sur les habitudes de sommeil et sur le schéma du sommeil de votre patient. La compréhension détaillée des plaintes spécifiques de sommeil est nécessaire pour proposer des interventions adaptées. 

En cas de troubles du sommeil, il est recommandé d’utiliser un agenda du sommeil et de mieux connaître les habitudes de veille et de sommeil de votre patient. La fiche patient Hygiène du sommeil permet également d’identifier les habitudes pertinentes.

Dans le cadre d’une consultation de suivi, vous pouvez, à l’aide de ce support, analyser et déterminer avec votre patient ce qui peut être changé en termes d’habitudes (de sommeil).

Une hygiène adéquate du sommeil offre les meilleures conditions pour se reposer, se détendre et enfin dormir.  Une bonne hygiène du sommeil n’est pas seulement une intervention, mais aussi une forme de prévention : elle prévient le (re)développement des troubles du sommeil.

L’activité physique pendant la journée (marche, vélo, jardinage…) a une influence positive sur la qualité du sommeil.

Étape 2 Interventions thérapeutiques peu intensives

  • Bibliothérapie : des livres d’auto-apprentissage avec des méthodes pour mieux dormir s’avèrent avoir un effet positif sur les habitudes du sommeil.  Toutefois, cet effet est plus important lorsqu’il est combiné à un suivi individuel.
  • Pratique de groupe (cours/apprentissage sur le sommeil) : les approches en groupe sont également appropriées pour réfléchir aux éléments susmentionnés et pour offrir des exercices.

Les mutuelles, les centres de santé mentale, les cliniques du sommeil et d’autres initiatives locales proposent ce type d’approche dans certaines régions.

Étape 3 : Briser le cercle vicieux*

Si les problèmes de sommeil persistent pendant plus d’un mois (problèmes de sommeil subaigus ou chroniques), les interventions ci-dessus peuvent ne pas suffire, car le conditionnement a eu lieu.

A l’aide de l’outil d’aide à la pratique Cercle de l'insomnie , vous pouvez expliquer au patient pourquoi d’autres interventions thérapeutiques sont nécessaires.

« Aller dormir » a, pour beaucoup de personnes, une connotation neutre, voire positive ; il est associé à la convivialité, à l’intimité, au repos, au sommeil. Parfois « aller dormir » peut aussi avoir un sens négatif : il est associé à « rester éveillé », à l’inquiétude, à l’irritation, à la frustration. Lorsque ce type de conditionnement est présent (cercle de l’insomnie), il est conseillé de proposer des interventions pour briser le cercle vicieux.

*Briser le cercle vicieux est basé sur les principes de la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC).  Il est possible de consulter un.e psychologue (de première ligne) ou des professionnels spécialement formés  à la prise en charge de l’insomnie (TCC-i).

A. Techniques de réduction du stress (en cas des sensations physiques de stress)

  • Exercices de relaxation : inclure des exercices de relaxation pendant la journée ou avant le coucher (cfr. La nuit est le miroir du jour). Cela peut aussi être : pratiquer du yoga, de la Pleine Conscience, écouter de la musique…
  • Instauration d’une zone tampon : programmer une « heure de décompression ». Une heure avant le coucher, il n’y a aucune activité spécifique, uniquement de la détente.
  • Traitement structuré de l’information avant le coucher: prévoir un ‘temps de réflexion constructif’ à heure fixe (20-30 minutes) en début de soirée (pour éviter de s’inquiéter ou de faire des To-Do listes dans son lit).

B. Techniques cognitives (en cas d’inquiétudes)

  • Sur la base du schéma 5'(fiche à compléter à la maison), on peut identifier les schémas de pensées inopérants. Dans le cercle de l’insomnie, il y a souvent de nombreux schémas de pensées qui jouent  comme « Je dois dormir 8 heures, sinon je ne pourrai pas fonctionner demain », « Je devrai rattraper mon retard de sommeil demain »,… Ces schémas de pensée inopérants peuvent être discutés, remis en question et réajustés lors d’une consultation de suivi (voir à ce sujet  la brochure insomnie et troubles du sommeil- bon à savoir.
  • Un schéma 5G peut aussi aider à identifier chez votre patient d’autres pensées non utiles (sur les évènements de la vie, les problèmes relationnels,…).

C. Contrôle des stimuli (rompre le conditionnement négatif « du lit »

  • La Technique de contrôle du stimulus vise à réapprendre à associer le lit à la somnolence (cf. cercle de l’insomnie). Le patient s’assure de ne jamais rester éveillé au lit pendant plus de 20 minutes, mais de se lever et de faire quelque chose de relaxant jusqu’à ce qu’il soit fatigué.  Ce n’est que lorsque le patient est fatigué, qu’il tente à nouveau de s’endormir dans son lit.
  • A l’aide de l’agenda du sommeil, vous pouvez évaluer avec votre patient l’impact de cette intervention ; informez le patient que le déconditionnement prend souvent 2 à 3 semaines.

D. Restriction du temps passé au lit (augmentation du besoin de sommeil en cas d’habitudes de sommeil inefficaces)

La Technique de restriction du temps passé au lit a pour but d’augmenter l’efficacité du sommeil. Cette intervention ne peut être utilisée qu’après avoir tenu un agenda du sommeil pendant au moins 2 semaines.  Le temps moyen de sommeil doit toutefois être calculé.

  1. Calculez le temps moyen de sommeil : (temps moyen au lit) – (temps moyen d’éveil au lit) + (30 min. de sommeil) = …  (exemple : 8 h au lit – 3 h éveillé + 30 min d’endormissement = 5,30 heures de sommeil)
  2. Déterminer l’heure souhaitée pour se lever en concertation avec le patient (par exemple, se lever à 6 h30)
  3. Calculez l’heure de début de l’endormissement (compte à rebours du temps du lever) (dans notre exemple, le patient ne doit aller dormir qu’à 1 heure du matin pour avoir 5 h30 de sommeil jusqu’à l’heure convenue pour se lever)
  4. Si l’efficacité du sommeil > 85%, le temps de sommeil par semaine peut augmenter de 15 minutes. L’augmentation s’arrête dès que le patient se sent suffisamment éveillé pendant la journée ou que le sommeil est à nouveau plus fragmenté.  Vous pouvez toujours calculer l’efficacité du sommeil (durée totale du sommeil/temps passé au lit – par exemple, 5 heures de sommeil 8 heures au lit = 62%) sur la base de l’agenda du sommeil. (Dans notre exemple, le patient peut alors s’endormir à 00h45).

Anxiété

3.1Exploration : Anxiété et troubles anxieux

Environ 5 patients sur 1000 consultent le médecin généraliste pour un problème d’anxiété, mais la prévalence des troubles anxieux est plus élevée dans la population générale (toutes les personnes concernées ne consultent pas un médecin). On enregistre une prévalence de 10 % sur un an et de 20 % sur la vie.

L’approche non médicamenteuse de l’anxiété requiert, en premier lieu, une exploration approfondie, même si le patient consulte uniquement pour une plainte d’anxiété. Toutes interventions ultérieures,  médicamenteuses ou non médicamenteuses, nécessitent une investigation large et globale supplémentaire.

Définir les attentes de votre patient quant à ses plaintes et planifier une consultation de suivi sont des aspects importants des consultations psychosociales (voir chapitre 1).

SIMPLE ANGOISSE OU TROUBLE ANXIEUX ?

Pendant l’exploration des symptômes d’anxiété, vous vous rappelez des éléments suivants :

  • La peur est une émotion normale qui signale un danger. Elle est considérée comme problématique lorsque :
    • La durée du ressenti de peur et/ou l’intensité de la peur ne sont pas congruentes en regard de l’élément déclencheur ;
    • La souffrance du patient est ressentie comme persistante;
    • Le ressenti de peur entraîne des dysfonctionnements dans le quotidien et sur le plan relationnel.
  • 10-20 % des patients qui consultent pour un symptôme d’anxiété présentent un trouble anxieux.
  • Les troubles anxieux les plus fréquents en médecine générale sont le Trouble Anxieux Généralisé et le trouble panique.
  • Les patients souffrant de troubles anxieux ont un taux élevé de morbidité et de mortalité.
  • Ces patients consultent souvent pour des symptômes peu définis et variables dans le temps, ils demandent régulièrement une prescription d’antidouleurs, de calmants ou de somnifères.
  • Ils mettent parfois davantage en avant leurs plaintes somatiques, car ils ont souvent honte de leurs peurs.
  • Les symptômes les plus courants chez les patients présentant un trouble anxieux sont les suivants : céphalées, douleurs abdominales, troubles de sommeil, anorexie, problèmes de concentration, ruminations anxieuses, nervosité, irritabilité,…

LES DIFFÉRENTS TROUBLES ANXIEUX ET APPARENTÉS

Le DSM-5 décrit différents types de troubles anxieux, de troubles obsessionnels compulsifs et de troubles liés aux traumatismes et au stress. Cette typologie est assez artificielle. Dans la pratique clinique, on rencontre beaucoup de formes mixtes. La classification du DSM-5 vise principalement à uniformiser la classification et les définitions des troubles psychiatriques. Les troubles anxieux et troubles apparentés les plus fréquents sont les suivants :

TROUBLE PANIQUE AVEC OU SANS AGORAPHOBIE

  • Attaques de paniques récurrentes. Durant une attaque de panique, le patient vit un moment intense de peur, sans signe annonciateur.
  • L’attaque de panique dure de quelques minutes à une demi-heure. Après l’attaque de panique, le patient peut encore se sentir anxieux durant quelques heures. Après ou entre les attaques, il persiste une crainte de faire une autre attaque de panique ou une crainte relative aux conséquences potentielles d’une autre attaque de panique.
  • Il existe souvent des changements de comportements induits par les attaques de panique : le patient va éviter les situations où il s’attend à revivre une autre attaque de panique. Il peut, par exemple, éviter les exercices physiques ou les situations inconnues.
  • Une agoraphobie survient fréquemment comme conséquence.
  • Les patients avec des troubles paniques développent souvent une angoisse face à différentes situations. Par exemple, pour les transports en commun ou les espaces ouverts. L’anxiété et l’évitement résultent de pensées en rapport avec la difficulté de se mettre à l’abri ou de trouver de l’aide lorsque les symptômes de panique surviennent, ou la crainte de situations pour lesquelles la survenue de symptômes serait perçue comme gênante.

PHOBIES SPÉCIFIQUES

  • Peur ou anxiété intense à propos d’un objet ou d’une situation spécifique (par ex. prendre l’avion, être en hauteur, en présence d’animaux, avoir une injection, voir du sang).
  • L’objet ou la situation « phobogène » provoque presque toujours une peur ou une anxiété immédiate.
  • L’objet ou la situation « phobogène » est activement évité(e) ou vécu(e) avec une peur ou une anxiété intense.
  • La peur ou l’anxiété est disproportionnée par rapport au danger réel engendré par l’objet ou la situation spécifique et par rapport au contexte socioculturel.
  • La survenue d’épisodes de peur ou d’anxiété intense ou des comportements d’évitement persistent, habituellement 6 mois ou plus.
  • La peur, l’anxiété ou l’évitement cause une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

PHOBIE SOCIALE

  • Peur ou anxiété intense d’une ou plusieurs situations où la personne peut être sujette au jugement d’autrui. Il s’agit, par exemple, d’interactions sociales (avoir une conversation, rencontrer des inconnus…), de situations de performance (faire un discours…) ou encore où elle peut être exposée à l’observation attentive des autres (par exemple, manger ou boire).
  • La personne craint d’agir ou de montrer des symptômes d’anxiété qui seront perçus négativement (par exemple, de façon humiliante ou embarrassante), entraînant un rejet par les autres ou un risque de les offenser.
  • Les situations sociales provoquent presque toujours une peur ou une anxiété.
  • Les situations sociales sont évitées ou subies avec une peur ou une anxiété intense.
  • La peur ou l’anxiété est disproportionnée par rapport à la menace réelle que constitue la situation sociale et compte tenu du contexte socioculturel.
  • La survenue d’épisodes de peur ou d’anxiété intense ou des comportements d’évitement persistent, habituellement 6 mois ou plus.
  • La peur, l’anxiété ou l’évitement entraine une détresse ou une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines.

TROUBLE ANXIEUX GÉNÉRALISÉ

  • Anxiété excessive survenant la plupart du temps au moins 6 mois, concernant un certain nombre d’évènements ou d’activités (telles que le travail ou les performances scolaires).
  • La personne éprouve de la difficulté à gérer cette anxiété.
  • L’anxiété est associée à 3 (ou plus) des 6 symptômes suivants (dont au moins certains symptômes ont été présents la plupart du temps, durant les 6 derniers mois) :
    • Agitation ou sensation d’être nerveux ;
    • Fatigabilité ;
    • Difficultés de concentration ou troubles de la mémoire ;
    • Irritabilité ;
    • Tensions musculaires ;
    • Perturbation du sommeil (difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu ou sommeil agité et non réparateur).
  • L’anxiété ou les symptômes physiques qui en résultent entrainent une détresse ou une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF (TOC)

  • Présence d’obsessions, de compulsions, ou des deux.

Obsessions définies par :

  • Pensées, pulsions ou images récurrentes et persistantes qui peuvent être ressenties comme intrusives, inopportunes et qui entraînent une anxiété ou une détresse importante.
  • La personne fait des efforts pour ignorer ou réprimer ses pensées, pulsions ou images, ou pour les neutraliser par d’autres pensées ou actions (que l’on nomme alors « compulsions »).

Compulsions définies par :

  • Comportements répétitifs (par exemple, se laver les mains, ordonner, vérifier) ou actes mentaux (par exemple, prier, compter, répéter des mots silencieusement) que la personne se sent obligée à accomplir en réponse à une obsession ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible.
  • Les comportements ou les actes mentaux sont destinés à neutraliser ou à diminuer l’anxiété ou le sentiment de détresse ou à empêcher une situation ou un événement redouté. Cependant, ces comportements ou ces actes mentaux sont soit disproportionnés par rapport à ce qu’ils se proposent de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessifs.
  • Les obsessions ou compulsions sont à l’origine d’une perte de temps considérable (par exemple, prenant plus d’une heure par jour) ou d’une détresse cliniquement significative, ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

Les personnes qui vivent un événement traumatique développent dans 10 à 15 % des cas un syndrome de stress post-traumatique.

Les symptômes durent au minimum un mois et comprennent :

  • Souvenirs récurrents, involontaires et envahissants du ou des évènements traumatiques provoquant un sentiment de détresse.
  • Sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition à des éléments internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect du ou des évènements traumatiques.
  • Réactions physiologiques marquées lors de l’exposition à des éléments internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect du ou des évènements traumatiques.
  • Évitement persistant des stimuli associés à un ou plusieurs évènements traumatiques.
  • Modifications de comportement et des émotions : perte d’intérêt, diminution des affects, évitement social, amnésie.
  • Agitation qui peut s’exprimer sous forme de troubles du sommeil, de colère, d’hypervigilance, de troubles de concentration, d’accès de pleurs, de sentiments de culpabilité/ d’inefficacité/d’infériorité et par l’utilisation de substances.

Ces symptômes interférent avec le fonctionnement social.

3.2Diagnostic différentiel

AFFECTIONS SOMATIQUES

Étant donné que des symptômes anxieux accompagnent souvent des affections somatiques, il importe d’autres troubles psychiatriques et/ou somatiques, à savoir :

  • dans un premier temps, des maladies cardiovasculaires, des intoxications ou des consommation de substances, des endocrinopathies.
  • des déficiences biologiques (par exemple, anémie), des infections, des cancers.
  • sur le plan psychiatrique, une dépression, un trouble de personnalité ou un trouble psychotique.

Des troubles paniques et l’anxiété sont fréquents en médecine générale, mais souvent les patients n’en parlent pas et présentent davantage leurs problèmes physiques.

ZOOM SUR L’ATTAQUE DE PANIQUE

L’« attaque de panique » peut se présenter de façon isolée ou dans le contexte d’un trouble anxieux. Sa présence n’est cependant pas suffisante pour poser le diagnostic de trouble anxieux, puisqu’il n’en n’est pas spécifique.

Les critères d’attaque de panique selon le DSM-5 sont les suivants :

Une montée brusque de peur ou de sensation de malaise intense, qui atteint son acmé en quelques minutes, avec la survenue de quatre (ou plus) des symptômes suivants :

  1. Palpitations ou accélération perçue du rythme cardiaque ;
  2. Tremblements ou spasmes musculaires;
  3. Sensations de « souffle coupé » ou d’étouffement ;
  4. Sensation d’étranglement ;
  5. Douleur ou gêne thoracique ;
  6. Nausée ou gêne abdominale ;
  7. Sensation de vertige, d’instabilité, de tête vide ou impression d’évanouissement ;
  8. Frissons ou bouffées de chaleur ;
  9. Paresthésies (sensations d’engourdissement ou de picotements) ;
  10. Déréalisation (sensation d’irréalité) ou dépersonnalisation (sensation d’être détaché de soi) ;
  11. Peur de perdre le contrôle de soi ou de « devenir fou » ;
  12. Peur de mourir.

3.3Guide pratique diagnostique

LES OUTILS d’aide à la pratique

Pour une exploration empathique des plaintes anxieuses du patient, vous pouvez appuyer sur le  IPAIA. Consultez à ce sujet le chapitre 1 – les consultations psychosociales.

Les patients sont souvent en attente d’une prescription de médicaments (anxiolytiques, somnifères). Que faire si votre patient demande une prescription de psychotropes ? Voir plus d'informations au chapitre 1.5.

Investiguer la présence d’un trouble de l’humeur. Pour explorer ceci, vous pouvez éventuellement utiliser le questionnaire  PHQ9 ou le Test de Maslach.

Dans le cadre de plaintes d’anxiété, il est important de bien comprendre, d’une part, les circonstances qui provoquent de l’angoisse chez votre patient et, d’autre part, son comportement d’évitement. Ces informations sont indispensables pour la prise en charge de l’anxiété de façon personnalisée. Répertorier avec le patient les symptômes d’anxiété est donc très utile (par exemple, à l’aide du schéma 5').

ZOOM SUR LE SCHÉMA 5’

Le schéma comportemental 5’ permet de recueillir des informations sur la séquence suivante : les circonstances dans lesquelles l’anxiété se présente, les pensées qui les accompagnent, la manière dont la personne les gère et les conséquences de ses comportements.

Lors de votre exploration, il est utile de chercher à identifier quels sont les événements déclencheurs des épisodes d’anxiété (le rapport aux autres, la performance, la saleté...), quels sont les thèmes associés aux pensées lors de ces épisodes (peur du rejet, faible estime de soi, contamination…) et enfin quels sont les éventuels comportements d’évitement qui en résultent.

3.4Psychoéducation

L’IMPORTANCE DE L’EXPLICATION

La compréhension du problème est une étape cruciale pour le patient. Le Bilan peut vous aider à expliquer l’anxiété dans la perspective d’un rapport entre contrainte et ressources, comme signe d’un déséquilibre entre les deux. Vous envisagez ainsi la plainte du patient dans un fonctionnement psychosocial plus large qui intègre toutes les données cliniques et permet d’avoir une vision plus précise de l’histoire personnelle du patient. La phase d’exploration a déjà un effet bénéfique pour le patient.

LES 3 QUESTIONS DU PATIENT

Votre contribution en tant que médecin généraliste à l’exploration, la structuration et la compréhension de la plainte de votre patient, peut inclure de la psychoéducation (information au patient). La psychoéducation sera individualisée pour chaque patient et pour chaque plainte.

Les 3 principales questions du question sont toujours les suivantes :

  1. Qu’est-ce que j’ai ?
  2. A quoi est-ce dû ? (Cause ou mécanisme)
  3. Comment puis-je aller mieux ? (Traitement)

QU’EST-CE QUE J’AI ?

Il est important d’informer votre patient qu’en réalité, la peur est une réaction naturelle et fonctionnelle. Elle a cependant parfois tendance à s’hypertrophier : elle s’installe dans la durée et se répand dans le quotidien du patient. La peur fonctionnelle peut ainsi se transformer en symptômes d'anxiété ou en troubles anxieux.

  • La peur est une émotion normale qui signale un danger. Elle est considérée comme problématique lorsque :
    • La durée du ressenti de la peur et/ou l’intensité de la peur ne sont pas congruentes en regard de l’élément déclencheur ;
    • La souffrance du patient est ressentie comme persistante;
    • Le ressenti de la peur entraîne des dysfonctionnements dans le quotidien et sur le plan relationnel.

A QUOI EST-CE DÛ ?

  • Afin d’évaluer la présence d’un trouble anxieux, il importe de tenir compte du contexte global du patient. Vous pouvez utiliser le Bilan. Votre patient est-il d’accord sur le fait que son anxiété ne lui est pas utile, mais qu’elle est plutôt une contrainte au quotidien ?
  • Vous pouvez lui faire apparaître le caractère envahissant de son anxiété en vous appuyant sur leCercle d’anxiété.Ce cercle de l’anxiété apporte un éclairage sur les différents mécanismes qui peuvent entretenir ou accroître l’anxiété jusqu’à ce qu’elle devienne problématique.
  • Un comportement d’évitement renforce l’anxiété plutôt que de l’atténuer (=cercle vicieux).
  • Le cercle s’accélère via des mécanismes de conditionnement.
  • Les pensées ou les interprétations des signaux corporels suffisent, à la longue, à réactiver, entretenir ou accroître l’anxiété (=cercle vicieux).
  • Clarifiez, à l’aide du Schéma 5', complété par votre patient, comment ses pensées et son comportement (d’évitement) maintiennent, voire aggravent le problème d’anxiété.

COMMENT PUIS-JE ALLER MIEUX  ?

Comprendre et expliquer le « cercle d’anxiété » permet de proposer des interventions dans différents domaines. En plus, la psychoéducation constitue déjà en soi un traitement : les sensations physiques peuvent être interprétées et « étiquetées » différemment.

La prise en charge des problèmes d’anxiété n’a pas pour objectif de faire disparaître la peur (elle est une émotion saine). C’est plutôt d’éviter qu’elle soit excessive et d’en atténuer les répercussions négatives sur le fonctionnement psychosocial du patient.

La psychoéducation vous amènera vers une stratégie commune de traitement.

3.5Intervention du MG quant aux plaintes

L’IMPORTANCE DE LA COMPRÉHENSION

Pour certains patients, la compréhension partagée de la maladie et du traitement peut déjà être un soulagement et constituer une aide pour le patient.

Si cette compréhension ne suffit pas, l’exploration de l’histoire de la maladie est la première étape de la prise en charge.

INTERVENTIONS POUR DES TROUBLES ANXIEUX

Un trouble anxieux peut évoluer et s’aggraver au cours du temps, il est donc préférable d’agir rapidement. Le rôle du médecin généraliste consiste à :

  • explorer et tenter de comprendre la situation, ce qui peut déjà avoir un effet thérapeutique.
  • transmettre au patient des notions de psychoéducation, afin d’augmenter ses ressources.
  • à motiver le patient dans sa prise en charge.

    En tant que médecin généraliste, tentez d’intervenir de préférence de manière non médicamenteuse.

Si vos interventions n’aident pas suffisamment le patient à évoluer favorablement, vous pouvez lui conseiller de consulter un spécialiste (voir à ce sujet chapitre 6).

L’APPROCHE MÉDICAMENTEUSE

Une approche médicamenteuse peut être efficace pour atténuer les symptômes anxieux, mais il est essentiel d’avant tout d’interrompre le cercle vicieux de l’anxiété. En étant bien accompagné et encouragé, le patient pourra progressivement s’exposer davantage aux éléments stressants et diminuer ses comportements d’évitement (par exemple, éviter les magasins, les réceptions, la conduite automobile,...). Ainsi, bien que la pharmacothérapie puisse être indiquée, le premier choix du traitement de l’anxiété est la psychothérapie, ceci pour les raisons suivantes :

  • Les effets secondaires potentiels des médicaments.
  • À l’arrêt de la psychothérapie, la rémission dure plus longtemps qu’avec une approche uniquement médicamenteuse.
  • La combinaison d’une psychothérapie et d’une pharmacothérapie favorise un effet plus durable en cas d’arrêt du traitement médicamenteux (Cercle de l’anxiété)
  • Une rémission plus durable est également obtenue en cas de combinaison d’une pharmacothérapie avec une psychothérapie, surtout en cas de trouble anxieux sévère.
  • Même en cas d’utilisation d’une pharmacothérapie, il est indiqué de s’occuper simultanément des comportements d’évitement en favorisant l’exposition aux éléments stresseurs, de manière à déconditionner l’anxiété et à briser le cercle de l’anxiété.

4 ÉTAPES D’INTERVENTION

La prise en charge des plaintes anxieuses n’a pas pour objectif de faire disparaître la peur (elle est une émotion saine). C’est plutôt d’éviter qu’elle soit excessive et d’en atténuer les répercussions négatives sur le fonctionnement psychosocial du patient.

  • Étape 1 :l’explication du cercle de l’anxiété (faisant partie de la psychoéducation) qui est déjà en soi un traitement. Elle permet au patient de donner une autre interprétation aux sensations corporelles.
  • Étape 2 :la compréhension détaillée des plaintes anxieuses, qui est nécessaire pour développer une approche centrée sur les plaintes du patient. Vous pouvez utiliser un carnet de bord qui permettra un examen approfondi de la situation, en collaboration avec votre patient. Le schéma 5' peut également être très utile. Consultez à ce sujet l’approche centrée sur les plaintes au chapitre 1.4
  • Étape 3 :Dans le cadre d’une consultation de suivi, le schéma 5’ permet d’identifier quelles sont les pensées anxiogènes et quels sont les comportements d’évitement.
  • Étape 4 :Des exercices de relaxation peuvent compléter votre approche centrée sur les plaintes. Vous pouvez aussi encourager votre patient à suivre des cours de yoga, de relaxation en groupe ou online.

3.6Outils d'intervention thérapeutique

Outils d’aide à la pratique

Liens utiles

Stress

4.1Stress, surmenage et burn out

EXPLORATION DU STRESS DANS SON CONTEXTE

  • Environ 10 % des consultations en médecine générale ont comme motif de consultation le stress.
  • Environ 30 % des troubles mentaux sont liés au stress.
  • La présentation clinique est variable et imprévisible.
  • Les patients souffrant de stress se présentent souvent avec des plaintes vagues (= signaux de stress).

L’approche non médicamenteuse nécessite dans un premier temps une exploration approfondie, même si le patient vous consulte spécifiquement pour des facteurs de stress. En effet, toutes les interventions utiles sont basées sur une exploration détaillée.

Expliciter les attentes de votre patient et planifier une consultation de suivi sont des aspects importants des consultations psychosociales (voir chapitre 1).   

LE MÉCANISME DU STRESS

  • Dans une situation de stress, éprouve un ressenti de menace. Ce ressenti dépend de l’évaluation qu’a réalisée le patient de ses possibilités d’adaptation ainsi que l’importance qu’il accorde à la menace, menace qui peut être subjective.
  • Le stress se manifeste par des signaux à quatre niveaux : physique, émotionnel, cognitif, comportemental. Ces signaux affectent à leur tour le ressenti de menace.

Des signaux de stress sont souvent compris par le patient comme le signe que « j’ai une maladie somatique ».

LES SYMPTÔMES DU STRESS

SYMPTÔMES PHYSIQUES LIÉS AU STRESS

  • Fatigue persistante ;
  • Troubles de sommeil ;
  • Douleurs (muscles, dos, tête) ;
  • Diminution de l’immunité, qui entraîne fréquemment des infections virales ;
  • Troubles intestinaux et douleurs à l’estomac ;
  • Palpitations ;
  • Hypertension et cholestérol élevé ;
  • Transpiration, tremblements.

SYMPTÔMES ÉMOTIONNELS LIÉS AU STRESS

  • Excitation ;
  • Irritabilité, crises de larmes ;
  • Ruminations ;
  • Anxiété ;
  • Fatigue, apathie ;
  • Incapacité de prendre des décisions difficiles ;
  • Troubles de concentration ;
  • Manque de confiance en soi, sentiments de culpabilité.

DES SIGNES COMPORTEMENTAUX DE STRESS

  • Sous-performance, augmentation des erreurs;
  • Changement des habitudes alimentaires ;
  • Diminution de libido ;
  • Isolement social ;
  • Utilisation de substances telles que le tabac, l’alcool, des calmants... ;
  • Dysfonctionnement sur le plan psychosocial (par exemple, dans les relations avec les autres).

DES PENSÉES COMME SIGNES DE STRESS

  • Anticipations anxieuses (« ça va mal tourner ») ;
  • Des pensées négatives (« je ne suis pas capable ») ;
  • Des pensées agressives (« ils peuvent tous aller se faire voir ») ;
  • Résignation (« je vais néanmoins devoir me charger de ce problème »).

DU STRESS « NORMAL » AU BURN OUT

Vous pouvez affiner votre diagnostic de stress en fonction de la gravité/l’impact sur le fonctionnement de votre patient. La distinction entre une situation de stress, de surmenage (=pré-burn out) et de burn out peut être considérée dans un continuum.

Plus le stress a tendance à devenir chronique, plus l’impact va être important sur le fonctionnement du patient. Le patient sera incapable de gérer son stress du fait que ses mécanismes d’adaptation seront dépassés. Les signaux de stress vont à leur tour renforcer la sensation de menace.

Une longue période de stress pourrait entraîner l’apparition de troubles psychiatriques. Il est donc important de détecter précocement cette problématique liée au stress et d’intervenir rapidement.

SURMENAGE OU BURN-OUT

CARACTÉRISTIQUES D’UN SURMENAGE

  • Plusieurs signaux de stress sévères à 4 niveaux : sentiments de perte de contrôle et/ou d’impuissance comme réaction à l’incapacité à gérer les facteurs de stress dans la vie au quotidien.
    La gestion du stress est insuffisante, la personne n’en peut plus et a l’impression de perdre le contrôle.
  • Une exploration des symptômes montre un lien avec le contexte et les facteurs de stress.
  • Les symptômes entraînent un dysfonctionnement sur le plan social et/ou professionnel.

CARACTÉRISTIQUES D’UN BURN OUT

Le burn out est le dernier stade du surmenage suite à un stress chronique qui conduit à un dérèglement du système neurohormonal, avec pour conséquence la panoplie des symptômes physiques et des dysfonctionnements psychologiques.

Dans le contexte de burn out, on constate, en plus des caractéristiques de surmenage citées ci-dessus, la présence de symptômes spécifiques :

  • Fatigue extrême persistante, épuisement (émotionnel)
  • Dépersonnalisation, démotivation, cynisme
  • Sentiment d’incompétence/échec

Les symptômes du burnout ont débuté il y a plus de 6 mois et sont donc considérés comme chroniques.

Les problèmes des patients atteints de burn out sont généralement en rapport avec les. activités professionnelles, mais d’autres domaines de la vie peuvent aussi être concernés (par exemple, chez les aidants proches). Si le patient identifie le travail comme le facteur de stress, il est souvent face à un dilemme : "je reste ou je quitte le travail ?" Il y a une ambivalence entre la volonté de se battre pour rester actif et donc de garder son emploi et l’épuisement qui incite le patient à quitter son milieu professionnel.

BURN OUT OU DÉPRESSION ?

Les symptômes de burn out sont comparables à ceux de la dépression. En vue du diagnostic différentiel, vous pouvez vous appuyer sur leTest de Maslach  ou le questionnaire PHQ-9.

Le diagnostic des plaintes liées au stress se base, d’une part, sur les 4 niveaux de stress et, d’autre part, sur l’impact sur le fonctionnement de votre patient. Ceci nécessite une exploration systématique et approfondie.

Les différences cliniques entre le burn out et la dépression de même qu’ entre le burn out et une dépendance au travail est parfois difficile

 

Dépression

Burn-out

Épuisement émotionnel, irritabilité.

Touche à tous les aspects de la vie.

Caractérisé par la perte d’intérêt et de la joie de vivre.

Faible estime de soi, ruminations, diminution de la vitalité.

 

Antécédents de dépression augmentent le risque de développer un burn out

Épuisement émotionnel, irritabilité.

Spécifiquement lié à l’emploi.

Maintien d’un intérêt pour les aspects de la vie non liés au travail.

Une meilleure image de soi et une préservation du sens de la réalité, plus de dynamisme comparé avec un tableau dépressif.

Un burn out peut évoluer vers une dépression.

Dépendance au travail

Le burn-out

Les « workaholics » passent trop de temps sur le lieu de travail, ne prennent pas suffisamment de distance et fournissent un travail qui va au-delà des attentes de leur hiérarchie, au point que leur vie privée en souffre.

Trop grande importance au travail et à la signification du travail pour la personne.

Peut conduire à un burn out, car l’implication excessive peut épuiser les réserves de la personne en question.

Peut être un facteur de risque pour développer un burn out.

Le burn out concerne les personnes qui ont de grandes attentes par rapport à leur travail.

Trop grande importance accordée au travail et à la signification du travail pour la personne.

L’épuisement, qui est typique dans un burn out n’est pas compatible avec une forte implication dans le travail.

Pas de relation automatique entre les deux phénomènes.

4.2Guide pratique diagnostique

Lors de l’exploration approfondie des plaintes liées au stress, en plus de la réalisation d’une approche IPAIA, tentez d’être attentif aux éléments suivants :

  • Exclure des causes somatiques ;
  • Vérifier si les plaintes/ les facteurs stressants sont chroniques ou aigus. Questionner les modalités et les conditions de vie et de travail. Vous pouvez utiliser le Bilan et le  Test de Maslach;
  • Explorer les changements importants dans la vie du patient (=life-events) et questionner le patient sur le rapport entre ses plaintes et un (ou plusieurs) de ces événements. Existe-t-il une causalité ? Cette exploration donne une indication sur les capacités d’adaptation du patient à des situations stressantes.

Le Bilan peut être utile pour cette démarche d’exploration.

Il est essentiel d’évaluer l’importance du déséquilibre entre les capacités ou les besoins de la personne, d’une part, et/ou la nature du travail, son milieu professionnel (environnement), d’autre part. Ce déséquilibre peut être lié à différents facteurs :

  • Caractéristiques personnelles :exigences élevées vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres, incapacité à dire « non », manque de capacité à planifier, équilibre insuffisant entre la vie professionnelle et la vie privée ;
  • Contenu du travail: tâches et responsabilités mal définies, une pression constante à la performance;
  • Caractéristiques de l’équipe dans laquelle on travaille comme une mauvaise ambiance, des conflits, du harcèlement, une communication déficitaire, plusieurs fonctions avec des conflits d’intérêts, le manque de reconnaissance ;
  • Caractéristiques de l’organisation qui ne correspondent pas à la personne (par exemple, une entreprise innovante pour un patient qui a besoin de stabilité).

Rechercher la présence de troubles anxieux et de troubles dépressifs : les questionnaire PHQ-9 et Test de Maslach et le   peuvent vous être utiles.

Dans le cadre de plaintes liées au stress, il est important de comprendre les mécanismes d’adaptation de votre patient. La personne a-t-elle déjà tenté de prendre en charge les plaintes et/ou de gérer les facteurs stressants ? Ses efforts d’adaptation ont-ils amené une amélioration ?

L’utilisation d’un schéma 5' peut également vous fournir des informations importantes quant aux mécanismes d’adaptation du patient.

Exemple

Date et Jour

Circonstances

Qui, quoi, où

Pensées

Émotions

Comportements

Conséquences

Lundi, 12 avril

Mon horaire de travail est à nouveau insatisfaisant

Ce n’est pas le cas pour les collègues. On ne tient jamais compte de ce que je souhaite

Diminution estime de soi. Se sentir trahi. Tendu

Continuer à travailler et éviter contact avec collègues et responsable

Pas de confrontation. Mauvaise journée. Pas capable de profiter de la soirée à la maison

4.3Psychoéducation

L’IMPORTANCE DE LA COMPRÉHENSION

La compréhension du problème est cruciale pour le patient. Vous pouvez investiguer le stress du patient à l’aide du Bilan. Cette investigation permet de mieux comprendre les symptômes somatiques du patient dans le contexte global de son fonctionnement psychosocial. Ainsi, vous arrivez à une compréhension partagée de la maladie qui fait déjà partie du traitement.

Les 3 questions du patient

Les trois principales question du patient sont toujours les suivantes :

  • Qu’est-ce que j’ai ?
  • A quoi est-ce dû ? (Cause ou mécanisme)
  • Comment puis-je aller mieux ? (Traitement)

QU’EST-CE QUE J’AI ?

Votre patient a tout d’abord besoin d’explications quant au stress, qui est une réaction normale à une perturbation de son équilibre de vie. Cette explication lui permet déjà de ne pas considérer les réactions liées au stress comme une menace supplémentaire.

En soi, le stress est une réaction naturelle et un mécanisme de survie important. Il s’agit d’une réponse adaptative normale à une situation ou à un événement anormal.

Le Bilan peut être utilisé pour connaître la situation à laquelle votre patient réagit, mais aussi, de façon plus spécifique, pour mieux comprendre les plaintes du patient : Y-a-t-il un déséquilibre entre les capacités et/ou les besoins du patient, d’une part et la nature du travail, son milieu professionnel (environnement), d’autre part. Ce déséquilibre peut être lié à différents facteurs décrits ci-dessus (voir chapitre 4.2).

A QUOI EST-CE DÛ ?

Une « situation de stress » prolongée ou chronique accapare les ressources du patient et comporte un risque de cercle vicieux et d’un épuisement. L’épuisement provoque des réactions disproportionnées au facteur déclenchant : la coupe est pleine. Chaque facteur supplémentaire de stress peut provoquer un débordement : « c’est la goutte qui fait déborder le vase ».

Le Bilanpermet d’expliquer comment un état de stress peut débuter et persister. La possibilité de « porter » devient inférieure au stress qu’il faut supporter, et un état de burn out peut être le résultat de ce mécanisme (équilibre entre problèmes/contraintes et ressources).

La pression permanente à repousser ses propres limites peut provoquer un état d’épuisement chez le patient qui peut entraîner un état de surmenage, voire ultérieurement un burn out. 

 

COMMENT PUIS-JE aller mieux ?

Une explication fait déjà partie du traitement de l’état de stress du patient. Comprendre ce qui se passe permet déjà au patient d’amorcer un processus de rétablissement et de reprendre un certain contrôle sur la situation et son état.

La compréhension partagée (psychoéducation à l’aide du bilan) vous amène déjà à des interventions spécifiques. Vous trouverez plus d'informations sur les interventions sur les plaintes au chapitre 1.7. 

4.4Intervention du MG quant aux plaintes

APPROCHE CENTRÉE SUR LA PLAINTE

Si comprendre le problème ne suffit pas, la psychoéducation offre un tremplin vers une intervention adaptée.

1° : une approche centrée sur la plainte (voir ci-dessous).

2° : une approche centrée sur l’orientation de la personne (voir chapitre 6).

Outre la psychoéducation, d’autres interventions thérapeutiques seront nécessaires chez certains patients. Une approche centrée sur la plainte permet au patient de rétablir son équilibre étape par étape. En situation de stress (le début du continuum), expliquer le mécanisme de stress du patient est souvent suffisant pour revenir à l’équilibre.

LES 3 PHASES DE VOTRE INTERVENTION

En cas de surmenage et certainement de burn-out, le patient est progressivement dépassé par la situation et finit par être confronté à une véritable crise. Votre approche centrée sur les plaintes devra dès lors être plus spécifique, telle que décrite ci-après.

Il est probable que votre patient s’adapte à la situation dans un délai de 3 mois et puisse alors s’investir à nouveau dans ses activités sociales et professionnelles. En fonction du degré de sévérité, cela pourra se faire plus ou moins rapidement. En cas de rétablissement tardif ou d’évolution non favorable, il est conseillé d’orienter votre patient vers une aide spécialisée.

PROCESSUS

INTERVENTIONS

OBJECTIF

Phase 1 : Situation de crise 

 

De base :

  • Psychoéducation ;
  • Structuration de la journée ;
  • Aider le patient à établir des perspectives.

 

Le patient en collaboration avec son entourage fait un travail :

  • D’acceptation de la situation;
  • De compréhension et de prise de recul ;
  • D'organisation d'un temps de repos et de détente ;
  • De structuration de la journée.

 

Complémentaires  :

  • Choisir un espace d'expression 
  • Des exercices d’écriture
  • Des exercices visant la réduction des ruminations
  • Des activités de détente
  • Structuration jour/nuit

 

Phase 2 : Réflexion sur les problèmes et les solutions

Complémentaire :

  • Une liste des problèmes et des éventuelles solutions.
  • Orientation résolution de  problèmes 
  • Elaborer un relevé des problèmes et des solutions 

Phase 3 : Mise en application 

Complémentaires :

  • Des schémas pour mettre en place des activités;
  • Anticipation des obstacles à la reprise de ses fonctions et ses tâches;
  • Réintégration.
  • Orientation vers la mise en place concrète;
  • Reprendre toutes les fonctions et les tâches;
  • Rétablir le fonctionnement en équilibre.

PHASE DE CRISE

L’ARRÊT-MALADIE

Votre patient est dépassé par les évènements, son fonctionnement est altéré et il se sent perdu. Il est conseillé de lui prescrire une période de 2 à 3 semaines d’incapacité de travail.

En prescrivant à votre patient un « repos actif », vous réduisez son niveau de stress et vous lui permettez de récupérer de son état de fatigue. Ce « repos actif » est une nécessité au niveau médical pour protéger le patient et éviter qu’il ne s’épuise davantage.

La compréhension et l’acceptation de son état sont des conditions indispensables pour qu’il puisse changer de perspective et se reposer. La psychoéducation et les explications sont donc primordiales au début de ce « repos actif ».

Le patient a donc un rôle actif à jouer dans ce processus, mais à ce stade, effectuer son travail et préserver sa vie privée n’est pas possible.

Même si vous revoyez le patient en consultation de façon hebdomadaire, il est préférable d’opter pour une période d’incapacité de travail de 3 semaines.

Le patient en état de stress a besoin de temps pour retrouver un certain « lâcher prise ». Ce « lâcher prise » n’est pas évident, pour lui, en situation de crise. Il a déjà tendance à repenser au travail fébrilement en fin du congé de maladie. Si vous prescrivez de courtes périodes d’incapacité de travail, votre patient risque de ne pas avoir le recul suffisant pour se reposer suffisamment. Une plus longue période s’avère être beaucoup plus efficace. Elle lui donne l’opportunité de réduire le niveau de stress, d’alléger sa charge mentale et ainsi de commencer à reconstituer une réserve suffisante d’énergie.

LE SUIVI

Au début, il est conseillé de prévoir une consultation par semaine ou toutes les 2 semaines afin d’assurer le suivi du patient. Pendant ces consultations, vous pourrez évaluer s’il est prêt pour la seconde étape, à savoir l’approche centrée sur les plaintes. Le patient peut-il entamer une réflexion sur ses capacités à gérer le stress et sur ses mécanismes d’adaptation ? Si le patient a besoin de davantage de repos, il est pertinent de prendre contact avec la médecine du travail.

MÉDECIN DU TRAVAIL ET SPÉCIALISTE

Il est conseillé de contacter avec le médecin du travail quand :

  • Il existe un conflit sur le lieu de travail ;
  • Des situations stressantes en lien avec l’état du patient se produisent au travail ;
  • Des éléments liés au travail interfèrent avec la guérison et/ou la reprise du travail.

Lorsqu’une période de repos plus importante et des consultations de suivi n’entraînent aucun changement, il est recommandé d’orienter votre patient vers une aide spécialisée.

PHASE DE RÉFLEXION

RÉFLÉCHIR AUX DIFFICULTÉS ET AUX SOLUTIONS POSSIBLES

Une fois que votre patient a été au repos pendant une période suffisante et qu’il n’est plus en situation de crise, vous pouvez l’inviter à réfléchir à ses difficultés et aux solutions possibles. Quels éléments jouent un rôle dans sa gestion du stress ? Comment modifier les facteurs de stress ? Comment augmenter sa capacité à les gérer ? Comment peut-il faire face à ses difficultés (mécanismes d’adaptation) ?

En vous appuyant sur l’outil d’aide à la pratique Bilan, vous pouvez évaluer avec lui sa capacité à gérer le stress : par exemple, « quelles sont les activités qui lui donnent de l’énergie ? » et « quelles sont les activités/situations qui minent son énergie ? »

Le    peut également être utile : quel(s) changement(s) votre patient peut-il initier dans la séquence 5’ (évènements-pensées-émotions-comportements-conséquences) afin de mieux gérer ses difficultés (mécanismes d’adaptation) ?

ZOOM SUR LE SCHÉMA 5’

Le schéma 5’ peut aider le patient à mieux comprendre les situations de stress et les éléments qui jouent un rôle dans celles-ci.

En parcourant ce schéma en présence du patient, demandez-lui de prendre un exemple concret de situation de stress qu’il a vécue. Il doit vous la décrire(,) comme un scénario de film, selon 5 dimensions (5‘) : Évènements-Pensées-Émotions-Comportements-Conséquences. Veillez à ce qu’il fasse bien la distinction entre pensée et émotion.

Une telle réflexion donne souvent l’occasion au patient d’initier un changement dans la façon d’appréhender et de gérer son stress.

UN COACH PROFESSIONNEL ?

On constate que les plaintes liées au stress sont souvent à l’origine d’un changement d’orientation professionnelle. Elles constituent souvent le point de départ d’un questionnement sur le parcours professionnel du patient. Si c’est le cas, vous pouvez orienter votre patient vers un coach spécialisé dans le domaine.

REPRISE DU TRAVAIL ?

Même si votre patient semble rétabli, après une période de « repos actif », il convient de l’inviter à une dernière étape de réflexion sur la prévention de la rechute avant la reprise.

Une reprise du travail (même partielle) ne sera envisagée que si votre patient évoque plusieurs solutions concrètes en vue d’améliorer sa situation.

PHASE DE MISE EN D’APPLICATION

À ce stade, vous pouvez inciter le patient à appliquer les connaissances et les compétences qu’il a acquises en phase 2, dans des situations concrètes et ce de manière progressive. Il va alors s’adapter à la situation et réinvestir les différentes sphères de sa vie.

Dans cette phase, il est également conseillé de prévoir des consultations de suivi afin d’offrir à votre patient des temps de réflexion.

Dépression

5.1Exploration

L’enquête de santé de 2018 montre que 9,4 % de la population belge de plus de 15 ans présentait des symptômes dépressifs. Ce pourcentage a augmenté durant l’épidémie de coronavirus pour atteindre 21%. Concernant l’usage des antidépresseurs, celui-ci est renseigné comme stable depuis des années en Belgique et se situe aux alentours de 13% d’utilisateurs, parmi la population adulte (en rappelant que leur usage ne se limite pas à la dépression clinique). Par contre, la quantité totale des antidépresseurs prescrits montre, elle, une augmentation significative, passant de 73,5 DDD pour 1000 habitants en 2009 à 79,4 en 2019.

La dépression est donc une pathologie fréquente qui nécessite une approche empathique et une exploration large et globale de la part du médecin.

Cependant, le diagnostic de dépression est parfois retardé car d’autres pathologies concomitantes peuvent en masquer les symptômes ou parce que les symptômes prennent parfois la forme de plaintes somatiques.

En tant que médecin généraliste, vous serez particulièrement attentif au risque de survenue d’une dépression chez les patients :

  • Avec antécédent de dépression
  • Présentant des plaintes somatiques multiples, floues, variables ou récidivantes
  • Demandeurs de consultations fréquentes
  • Se plaignant de fatigue persistante
  • Présentant un amaigrissement inexpliqué
  • Traversant des évènements de vie difficiles

Une manière simple et efficace de dépister la dépression est de poser, avec des mots simples, deux questions au patient :

« Le mois dernier, avez-vous ressenti un désintérêt ou un manque de plaisir à accomplir vos activités ? »
« Le mois dernier, vous êtes-vous fréquemment senti abattu, déprimé ou désespéré ? »

Si la réponse à l’une de ces questions est positive, vous poursuivrez l’exploration de la situation en conservant une attitude empathique tout au long de la démarche diagnostique. Vous identifierez quelles sont les attentes et les besoins du patient, à l’aide de l'IPAIA, permettant d’atteindre, selon une démarche structurée, une compréhension partagée de la situation.

Il est essentiel de programmer, si besoin, une consultation de suivi afin d’approfondir l’exploration des questions psychosociales. S’il s’avère que le patient est en attente de médication, vous aborderez avec lui la question de la place des médicaments dans le traitement de la dépression (voir chapitre 9).

La dépression est une pathologie fréquente mais parfois difficile à diagnostiquer qui demande d’être dépistée puis explorée avec empathie et par une approche globale.

5.2Guide pratique diagnostique

PLAINTES DÉPRESSIVES OU DÉPRESSION ?

Les plaintes dépressives (tristesse, baisse de motivation, de plaisir ou d’estime de soi…) sont susceptibles de se manifester tout au long de la vie, chez tout un chacun. Elles surviennent en général en réponse à un évènement difficile qui nécessite un processus d’adaptation de la part du patient. Elles sont le signe que ce processus d’adaptation est en cours et le médecin veillera à rassurer le patient ainsi qu’à ne pas médicaliser d’emblée ses propos.

L’approche biopsychosociale offre au patient et au médecin une grille de lecture permettant de donner un sens aux symptômes (plus d'informations au chapitre 5.3). Ceci permet d’éviter d’attribuer trop vite un caractère pathologique aux symptômes dépressifs.

En revanche, doivent alerter le praticien quant à une possible dépression :

  • Des symptômes dépressifs présents tout au long de la journée
  • Des symptômes dépressifs présents pendant plus de 2 à 4 semaines
  • Des symptômes dépressifs ne semblant pas être en lien avec un évènement de vie difficile

Il est important de garder à l’esprit que la dépression est un syndrome dont la gravité varie selon le nombre de symptômes présents, leur intensité, leur durée et les impacts de ceux-ci sur le quotidien du patient.

Différencier plaintes dépressives et dépression est une étape importante de la prise en charge. Une approche biopsychosociale aide souvent à normaliser les symptômes. Cependant, la présence de symptômes intenses, persistants, permanents et sans lien avec des évènements de vie difficile doivent orienter le praticien vers un diagnostic de dépression.

DSM-5

Les Critères diagnostiques DSM constituent un outil d’aide au diagnostic. Ces critères se basent sur le nombre de symptômes, leur durée et leurs répercussions sur le quotidien du patient.

Attention toutefois à ne pas se limiter uniquement à ces critères pour confirmer ou réfuter un diagnostic de dépression, car la dépression s’apparente à un "syndrome" composé d’un ensemble de symptômes. Dès lors, une évaluation large et globale de la situation du patient sera toujours nécessaire.

Le médecin veillera toujours, lors de l’exploration d’une situation de dépression, à investiguer la présence de comorbidités et à questionner les effets secondaires et interactions potentiels des médicaments du patient.

Paysage diagnostic et diagnostic différentiel

D’autres problèmes somatiques peuvent se manifester par des symptômes dépressifs :

  • Démence, Alzheimer ...
  • Parkinson
  • Effets secondaires médicamenteux
  • Troubles hormonaux (hypothyroïdie, hyperprolactinémie, syndrome de Cushing …)
  • Anémie
  • Carences vitaminiques (B12, …)

 

Attention également à ne pas confondre la dépression avec d’autres problèmes psychiques ou psychiatriques :

  • Bipolarité
  • Psychose
  • Troubles de la personnalité
  • Deuil
  • Burnout
  • Assuétudes
  • Troubles

Plus d’informations sur le diagnostic des troubles anxieux (voir chapitre 3) et du burnout (voir chapitre 4.1) se trouvent dans les chapitres de ce guide s’y rapportant.

Consultez également l’outil d’aide à la pratique Diagnostic différentiel.

Si nécessaire, vous pouvez prendre l’avis d’autres prestataires de soin afin d’être aidé dans le processus diagnostique.

Message clé : Le médecin veillera toujours, lors de l’exploration d’une situation de dépression, à investiguer la présence de comorbidités et à questionner les effets secondaires et interactions potentiels des médicaments du patient.

DIAGNOSTIC CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE

Chez la personne âgée :

  • La dépression se traduit par un risque accru de décès, de limitations fonctionnelles, d’invalidité permanente.
  • Les manifestations anxieuses associées à la dépression sont plus fréquentes.
  • Le risque d’idées suicidaires et de suicide réussi est plus élevé.
  • La dépression s’accompagne d’un déclin cognitif plus important et d’un risque accru de démence.

Par conséquent, le diagnostic de dépression chez la personne âgée est souvent retardé car les plaintes somatiques sont davantage apparentes et parce que les symptômes dépressifs peuvent se confondre avec des troubles cognitifs ou des problèmes liés à l’âge.

Un élément pouvant guider le médecin dans son diagnostic est qu’en cas de dépression, le patient aura tendance à émettre des plaintes alors qu’en cas de démence, c’est plus souvent l’entourage qui alertera le médecin en premier lieu.

Enfin, des outils d’aide à la pratique comme le Questionnaire GDS-15 peuvent aider le médecin à préciser le degré de gravité de la dépression du sujet âgé.

La dépression se manifeste plus souvent par des plaintes somatiques récurrentes chez la personne âgée. Le déclin cognitif lié à l’âge ou les démences débutantes compliquent parfois le diagnostic.

RISQUE SUICIDAIRE

Définir le risque de passage à l’acte est primordial car celui-ci déterminera le type de prise en charge. En tant que médecin généraliste, il est primordial de questionner directement ce risque, tout en adoptant une attitude empathique (« J’entends que vous souffrez beaucoup », « Je peux imaginer que vous n’entrevoyez pas de solution », …). Par ailleurs, verbaliser un ressenti permet souvent d’en diminuer l’intensité.

Concrètement :

  • Le patient a-t-il des idées noires ? Par exemple, l’idée qu’il serait plus facile d’être mort que vivant, l’envie de ne jamais se réveiller, que le monde tournerait mieux sans lui ou que certaines personnes se porteraient mieux s’il n’était pas là.
  • Le patient a-t-il des intentions concrètes de suicide ? Plus celles-ci sont élaborées et détaillées, plus le risque que le patient les réalise est important.

Vous questionnerez également le patient sur ses antécédents personnels de tentatives de suicide ou sur les antécédents familiaux de tentatives de suicide ou de suicide réussi.

Enfin, on sera attentif à certains facteurs de protection ou de vulnérabilité :

  • Facteurs psychologiques : expérience de perte, désespoir, impulsivité, pensées négatives compulsives, faible estime de soi, trouble de la personnalité.
  • Facteurs de vulnérabilité : genre et âge (homme jeune notamment), antécédents personnels ou familiaux de tentatives de suicide.
  • Facteurs protecteurs : convictions religieuses, soutien social, peur de faire souffrir l’entourage, sentiment de responsabilité vis-à-vis des proches…

Des outils d’aide à la pratique comme les Questions utiles pour l’évaluation des risques suicidaires et le Questionnaire MINI peuvent aider le médecin à préciser le niveau de risque suicidaire.

En cas de risque suicidaire significatif et si le patient n’est pas suffisamment en sécurité, vous aurez recours à l’aide de la deuxième, voire de la troisième ligne de soins.

Afin de déterminer le niveau de risque suicidaire, le médecin questionnera directement le patient à ce sujet tout en conservant une attitude bienveillante. En cas de risque significatif, il n’hésitera pas à référer le patient vers les lignes de soins spécialisées, les services d’urgences psychiatriques et les équipes de crise.

Gravité de la dépression

Le degré de gravité (voir chapitre 5.4) déterminera le type de prise en charge.

Quatre niveaux de gravité sont communément admis, bien qu’il n’existe pas de définition univoque des degrés de gravité de la dépression.

Des questionnaires comme le  PHQ9 peuvent aider le médecin à préciser la gravité d’une dépression mais leur réelle plus-value dans la pratique de première ligne n’est pas établie.

Le degré de gravité se base sur :

  • Le nombre de symptômes
  • L’intensité des symptômes (souffrance ressentie, permanence et persistance des symptômes…)
  • Les conséquences de la dépression sur le quotidien du patient
  • Le risque suicidaire
  • Les capacités de résilience du patient (modèle biopsychosocial incluant notamment le réseau social du patient)

Des recherches ont montré que lors d’une première consultation consacrée à l’exploration empathique de l’histoire du patient, le médecin peut avoir tendance à surestimer la gravité des symptômes de son patient. En effet, celui-ci rapporte en général un grand nombre de plaintes sur peu de temps, ce qui peut influencer la perception du médecin.  Il sera donc important, après une première consultation servant à identifier le problème et à récolter les plaintes, de revoir rapidement le patient afin de préciser le niveau de gravité de la dépression.

Au terme de cette évaluation, vous déterminerez s’il s’agit :

  • De plaintes dépressives simples
  • D’une dépression légère à modérée
  • D’une dépression modérée à sévère
  • D’une dépression sévère avec risque suicidaire significatif

Il s’agit bien entendu d’une catégorisation subjective car, en réalité, le trouble dépressif s’établit comme un continuum entre deux pôles.

Du degré de gravité de la dépression diagnostiqué par le médecin découle l’attitude de prise en charge. Il est donc important de définir ce degré au cours d’une consultation dédiée à cet objectif.

 

Outils d’exploration diagnostique

 

5.3Psychoéducation

L’IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION

Après l’exploration empathique des plaintes du patient, la psychoéducation consistera à faire le tri de celles-ci et à aider le patient à comprendre ce qu’il traverse. Le patient identifiera ainsi ce qu’est la dépression en tant que pathologie et ses caractéristiques générales, mais aussi quels facteurs individuels rendent sa dépression unique. Cette compréhension à l’aide du Bilan lui permettra une prise de recul et d’amorcer le processus thérapeutique.

 

Les 3 questions du patient

Plus concrètement, dans le cadre de la dépression, la psychoéducation a pour objectif d’aider le médecin et le patient à répondre à trois questions :

  • Quel est le problème du patient ?
  • Pourquoi présente-t-il ce problème ?
  • Comment l’aider à dépasser ce problème ?

« Qu’est-ce que j’ai ? »

La dépression est une pathologie fréquente qui se résout la plupart du temps en quelques mois. Les symptômes dépressifs sont fréquents et constituent, en général, une réponse normale à une situation nécessitant un processus d’adaptation. Cependant, dans la dépression, ces symptômes surviennent parfois sans qu’une situation de changement puisse être identifiée. Ou bien les symptômes vécus sont anormalement nombreux, intenses et prolongés. Ces symptômes dépressifs impactent le quotidien. Enfin, bien que toutes les dépressions présentent des caractéristiques communes, chaque patient souffrant de dépression se trouve dans une situation unique.

Consultez également Comprendre ce qui se passe. La brochure d’information « Parlons de la dépression » peut être utilement discutée avec le patient.

 

« a quoi est-ce dû ? »

Un modèle communément admis pour décrire l’origine de la dépression est  Le modèle biopsychosocial.  Ce modèle propose d’explorer la situation du patient selon 3 thèmes interdépendants : biologie, psychologie, contexte social. Chaque patient peut ainsi identifier plus ou moins d’éléments qui le concernent dans chacune des trois sphères. Il comprendra que la combinaison et l’importance de ces éléments sont propre à chacun. Nommer le rôle des éléments du modèle biopsychosocial a également un effet déculpabilisant pour le patient et peut l’aider à attribuer un sens à ce qu’il traverse.

 

« Comment puis-je aller mieux ? »

La première étape vers la guérison est de comprendre quels éléments sous-tendent la dépression. Ces éléments serviront de points de départ pour les mesures thérapeutiques. De plus, le partage d’une compréhension commune de la maladie entre patient et médecin améliore l’observance thérapeutique du patient et favorise l’obtention de résultats favorables.

Ensuite, de façon concrète, la prise en charge de la dépression s’effectue par échelon. Soit selon le degré de gravité initial, soit successivement en cas d’échec des mesures de l’échelon précédent. Ces mesures concernent les trois domaines du modèle biopsychosocial précédemment décrit, bien que les mesures biologiques du traitement de la dépression (médication) ne concernent que les dépressions modérées à sévères.

Le patient devra s’attendre à un processus de guérison évoluant sur plusieurs mois, au terme duquel le risque de rechute ou de récidive devra être soigneusement évalué. Plus le patient sera impliqué dans son traitement et dans des prises de décisions partagées, plus les chances d’une évolution rapidement favorable sont importantes. Le consentement éclairé du patient sera nécessaire tout au long du suivi.

La psychoéducation individualisée est la première étape de la prise en charge d’une dépression.

5.4Intervention du MG quant aux plaintes

MODÈLE DE SOINS PAR ÉCHELON

Une fois le degré de gravité déterminé par le médecin, un modèle de soins par échelon peut être proposé au patient. Chaque échelon aborde la prise en charge en combinant des approches sociales et psychologiques. Les mesures biologiques concernent les dépressions modérées et sévères mais ne sont pas recommandées lors de symptômes dépressifs simples ou de dépression légère. En cas de réponse insuffisante à l’accompagnement proposé, on pourra compléter et/ou intensifier les mesures thérapeutiques en appliquant les recommandations de l’échelon suivant.

SYMPTÔMES DÉPRESSIFs

1. Symptômes dépressifs
  • Exploration empathique des plaintes
  • Psychoéducation
  • Interventions non médicamenteuses
  • Antidépresseurs non indiqués
  • Suivi régulier

Le patient souffrant de symptômes dépressifs ne souffre pas d’une maladie. La présence de symptômes dépressifs en dehors d’un épisode de dépression est en général le signe d’un processus d’adaptation face à un évènement de vie difficile. Dans cette situation, le traitement médicamenteux n’a pas de place. Le traitement repose dès lors sur :

EXPLORATION EMPATHIQUE DES PLAINTES

Il est important de reconnaître puis de normaliser les symptômes de votre patient selon une approche biopsychosociale.

PSYCHOÉDUCATION

Vous aiderez votre patient à comprendre ce qu’est la dépression, quels sont les facteurs prédisposants, déclenchants ou de maintien qu’il présente et comment dépasser cette situation (compétences de littératie en santé du patient). Vous pouvez utiliser la fiche Patient bilan qui illustre la balance entre ressources et contraintes du patient pour faire face à la situation.

Vous trouverez plus sur la psychoéducation au chapitre 5.3.

Consultez également la fiche Patient Comprendre ce qui se passe et l'outil d'aide à la pratique Le modèle biopsychosocial. La brochure d’information Parlons de la dépression peut être utilement discutée avec le patient.

INTERVENTIONS NON MÉDICAMENTEUSES 

  • Activités et structuration de la journée : Par exemple, rédiger avec le patient un schéma d’organisation de la journée afin de l’aider à rester actif. Établir des heures fixes de lever, de coucher, de repas et d’activités. Veiller à établir un planning tenable et s’assurer du bon équilibre entre tâches, activités plaisir et temps libre.
    Les fiches Patient  Programmation d’activités et Structuration de la journée peuvent être utilement proposées en consultation. 
  • Activité physique : Recommander au patient de sortir tous les jours. Une activité physique régulière lui sera bénéfique. De préférence en extérieur, en groupe, de type aérobie ou nécessitant de la concentration (marche, vélo, course à pied, natation, fitness, yoga…). Le patient adaptera l’activité à son envie et à ses capacités.
  • Alimentation : Conseiller une alimentation équilibrée, d’éviter les excès, de manger à heures fixes et de cuisiner. Recommander de limiter la consommation de drogues, d’alcool, de café et de tabac.
  • Hygiène du sommeil (voir chapitre 2.4):  Consultez aussi les outils d’aide à la pratique Hygiène du sommeilCercle de l'insomnie. La brochure d'information Le sommeil et les troubles du sommeil peut être utilement discutée avec le patient.
  • Activités psychocorporelles : Non reconnues actuellement comme élément du traitement de la dépression. Étant donné que la dépression est une pathologie qui concerne le corps et l’esprit, vous pourrez cependant proposer au patient, même si ces approches ne sont pas formellement validées :
    • Des activités d’expression corporelle (danse, yoga…)
    • La fréquentation de lieux dédiés au bien-être (thermes, massages…)
    • De l’art-thérapie
  • Relaxation, travail de la qualité de conscience (mindfulness), gestion du stress : Ces activités permettent au patient de prendre de la distance avec les pensées et de focaliser l’attention. Elles ne font pas encore partie des recommandations officielles dans la prise en charge de la dépression mais sont à l’étude.
  • Réseau social : Encourager le patient à maintenir des contacts sociaux avec des personnes en confiance.
  • Réseaux et activités de soutien : Centre d’activités, bénévolat...
  • Arrêt de travail : A envisager ou non selon le rapport du patient au travail et selon l’impact des symptômes dépressifs sur son fonctionnement au quotidien. Le temps récupéré par le patient peut être investi dans des activités stimulantes. La brochure d'information Favoriser la guérison par votre style de vie peut être utilement discutée avec le patient. 

SUIVI RÉGULIER

Vous proposerez au patient des consultations de suivi régulières, particulièrement au moment de la mise au point de la situation. La fréquence d’une consultation toutes les semaines ou toutes les deux semaines est en général indiquée dans un premier temps. Les consultations seront ensuite espacées (une fois par mois par exemple) une fois la situation stabilisée. Si le patient ne se présente pas au rendez-vous, il est intéressant de prendre l’initiative de le contacter afin d’évaluer son état et de programmer une nouvelle rencontre.

En cas de symptômes dépressifs, le traitement repose essentiellement sur l’exploration empathique des plaintes, le dialogue avec le patient, les mesures non médicamenteuses et un suivi régulier. Les médicaments ne sont pas indiqués.

DÉPRESSION LÉGÈRE À MODÉRÉE

L’approche thérapeutique d’une dépression légère à modérée repose principalement sur une approche globale et empathique des plaintes et sur des mesures non médicamenteuses.

Les mesures instaurées à l’échelon précédent sont toujours valables.

2. Dépression légère à modérée

PARTICULARITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DÉPRESSION LÉGÈRE À MODÉRÉE

SOLLICITATION DU RÉSEAU SOCIAL

Dès le début du suivi, le patient gagnera à solliciter son réseau familial et amical. Vous adopterez, si besoin, le rôle de relais entre le patient et son entourage.

PSYCHOTHÉRAPIE PEU INTENSIVE

En cas de dépression (voir chapitre 6.4), une psychothérapie peu intensive peut être proposée au patient. Consultez également l'outil d’aide à la pratique Le bon moment pour une psychothérapie et la fiche Patient Types de psychothérapies.

Dans les cas de dépression légère à modérée, en plus des mesures thérapeutiques déjà présentes à l’échelon précédent, le réseau social du patient sera davantage sollicité et une psychothérapie peu intensive peut être proposée. Les antidépresseurs ne sont pas prescrits de façon systématique.

DÉPRESSION MODÉRÉE À SÉVÈRE

Les mesures instaurées à l’échelon précédent sont toujours valables.

3. Dépression modérée à sévère

PARTICULARITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DÉPRESSION MODÉRÉE À SÉVÈRE 

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Un antidépresseur sera envisagé en cas de dépression modérée, proposé systématiquement en cas de dépression sévère. La prescription d’un antidépresseur nécessite de bien informer le patient quant aux modalités de traitement (voir chapitre 9) et d’obtenir son consentement éclairé.

PSYCHOTHÉRAPIE SOUTENUE

En cas de dépression (voir chapitre 6.4) , une psychothérapie soutenue peut être proposée au patient. Consultez également l'outil d’aide à la pratique « Le bon moment pour une psychothérapie » et la fiche Patient « Types de psychothérapies »

INTÉGRATION DES SOINS

En cas d’intervention de multiples prestataires de soins, il importe de tenir à jour le dossier médical du patient et de le guider dans son parcours de soin.

En cas de dépression modérée à sévère, toutes les options thérapeutiques doivent être considérées : approche globale de la situation et exploration empathique, mesures non médicamenteuses, utilisation d’un antidépresseur et psychothérapie soutenue.

Dépression sévère et risque suicidaire élevé

En cas de dépression sévère, la prise en charge doit être intensive, comprendre des actions sur un maximum de facteurs des sphères biologique, psychologique et sociale. En cas de risque suicidaire significatif, il faut considérer la situation comme une urgence.

Les mesures instaurées à l’échelon précédent sont toujours valables.

4. Dépression sévère et risque suicidaire élevé

 

Particularités de la prise en charge de la dépression sévère et du risque suicidaire élevé

 

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Un antidépresseur sera systématiquement proposé.

ORIENTATION VERS UN PSYCHIATRE

En cas de dépression résistante ou de risque suicidaire significatif, un avis spécialisé s’avère nécessaire.

MESURES DE CRISE

Des numéros d’urgences peuvent être communiqués au patient à risque de passage à l’acte. Des équipes mobiles de crise peuvent également évaluer la situation d’un patient à risque élevé de passage à l’acte, évoluant en dehors du milieu hospitalier. Les équipes des urgences psychiatriques prennent en charge les patients à risque suicidaire élevé et les équipes hospitalières psychiatriques permettent une surveillance permanente et une approche multidisciplinaire intensive aux patients atteints de dépression sévères et/ou instables.

En cas de dépression sévère, le médecin veillera :

  • à une exploration empathique des plaintes, à une approche globale de la situation et à des mesures non médicamenteuses.
  • à la prescription d’un antidépresseur, à la proposition d’un suivi psychothérapeutique soutenu et à l’aide d’un psychiatre, voire organisera une hospitalisation.

En cas de risque suicidaire significatif, le patient sera suivi de façon particulièrement rapprochée et référé si besoin vers les équipes spécialisées en gestion de crise.

Consultez également l’outil d’aide à la pratique Arbre décisionnel.

Orientation en santé mentale

6.1Pourquoi et comment orienter le patient ?

Dans bon nombre de cas, les symptômes des patients sont directement liés, au moins en partie, à un déséquilibre de vie (hygiène de vie, vie affective et relationnelle, vie émotionnelle…). Il se peut qu’une approche centrée sur le soulagement des symptômes, même accompagnée d’une éducation à la santé ou d’une psychoéducation appropriée ne suffise pas. Des facteurs liés à la personnalité peuvent faire obstacle et entraîner la répétition d’un scénario défavorable à la santé. Une approche centrée sur la personne et son fonctionnement psychologique (c’est-à-dire une psychothérapie) s’avérera alors un complément bien utile à votre action, voire nécessaire. Votre rôle est ici primordial en termes d’informations, de relais et d’orientation vers une psychothérapie.

ABORDER LE SUJET

L’implication et la participation du patient dans l’orientation vers une aide spécialisée en santé mentale commencent par l’examen conjoint de la compréhension partagée de la maladie et des traitements appropriés. Il est important d’explorer avec le patient ses attentes et ses représentations quant à son état, le traitement possible ainsi qu’ à la référence vers d’autres professionnels . Exemples :

  • « En regardant attentivement la situation, je suis préoccupé(e). J’ai le sentiment qu’il y a une déséquilibre important. Qu’en pensez-vous ? »
  • « En vous écoutant, je pense comprendre que les plaintes d’anxiété/sommeil pour lesquelles vous consultez sont comme une sorte de signal alarme, nous indiquant que la situation est devenue intenable. Il me semble par ailleurs qu’il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg. Je suis préoccupé.e par l’évolution... Qu’en pensez-vous ? Cela vous préoccupe-t-il également ? »
  • « En évaluant la situation, je me demande si je suis la personne la plus adéquate pour vous aider ici. Il se peut que je vous rende davantage service en vous référant à quelqu’un qui serait mieux placé que moi pour vous aider, dans ces circonstances… Un psychologue, par exemple. Qu’en pensez-vous ? »
  • « Avez-vous déjà consulté un psychologue ? Ou avez-vous déjà envisagé de consulter un psychologue ? »

MOTIVER LE PATIENT

Orienter le patient vers une aide spécialisée n’est pas toujours aisé en médecine générale et nécessite de motiver adéquatement le patient.

Votre attitude en tant que médecin généraliste restera toujours empathique et non conflictuelle. C’est la relation patient-médecin qui prime et toute interaction avec le patient doit s’inscrire dans cette relation de confiance.

Idéalement, vous partagez et indiquez clairement vos réflexions cliniques et options thérapeutiques au cours des consultations.

En tant que médecin généraliste, vous responsabilisez votre patient. C’est à lui de décider s’il veut remédier au problème ou laisser la situation en l’état. En aucun cas, vous ne pouvez pas l’obliger: in fine, il reste maître de sa vie et de sa qualité de vie.

Tout comme pour la motivation à arrêter de fumer, le premier prérequis est que le patient lui-même considère qu’il faille changer quelque chose à la situation.

LES ÉTAPES DE LA PRISE DE CONSCIENCE

Lorsque l’approche centrée sur les plaintes en consultation de médecine générale ne suffit plus, l’orientation vers une psychothérapie nécessite d’être arrivé à une compréhension partagée de la maladie et des traitements nécessaires : le patient adhère au fait qu’il faille initier des changements, sa qualité de vie étant perçue comme trop mauvaise.

Parfois, votre patient est convaincu sur le plan cognitif (il sait qu’un changement est nécessaire et qu’il souffre réellement de la situation), mais au niveau émotionnel, il reste opposé à consulter un autre professionnel. Dans ce cas, vous pouvez (toujours d’une manière empathique, mais responsabilisante) proposer ce type d’intervention : « J’avais compris que vous aviez vraiment envie de changer quelque chose à la situation, mais il semble que le problème ne soit pas encore suffisamment important pour passer à l’action. À partir de quel moment pensez-vous que vous accepteriez une orientation vers une prise en charge spécialisée ? »

L’intervention paradoxale suivante (à formuler avec une intonation d’étonnement) invite votre patient à réfléchir et à se responsabiliser : « Est-ce que cela veut dire que vous souhaitez rester ainsi tout le reste de votre vie ? »

COMPRENDRE CE QU’EST LA PSYCHOTHÉRAPIE

Il est important que les patients comprennent ce qu’est la psychothérapie et ce qu’elle peut leur apporter dans leur processus de changement. Comme pour l’arrêt du tabac, vous pouvez leur expliquer comment fonctionnent les différents dispositifs thérapeutiques (par exemple, les substituts nicotiniques).

  • La psychothérapie est un traitement utilisé notamment dans le cadre de plaintes et de difficultés émotionnelles. La psychothérapie consiste souvent en plusieurs rencontres, entre un client et un soignant formé, le psychothérapeute. Les entretiens sont centrés les difficultés et plaintes du client en vue d’être résolues ou apaisées…
  • La psychothérapie commence toujours par l’établissement d’une relation de confiance entre le thérapeute et le client. Elle sera dès lors souvent tributaire de la confiance que le client accorde au thérapeute ainsi que de l’adéquation (« courant ») entre le client et thérapeute — ce qui peut prendre un certain temps. Ce temps est un investissement important dans le processus thérapeutique qui suivra.
  • Le psychothérapeute ne résout aucun problème à la place du client, mais le responsabilise et l’aide à voir ou à vivre autrement les situations qui lui sont difficiles à résoudre. L’objectif de la psychothérapie est toujours d’améliorer la qualité de vie du client et de veiller à ce qu’il souffre moins.
  • La psychothérapie utilise souvent la parole (thérapie par la parole), mais peut aussi inclure d’autres approches de travail (centrées sur le corps, jeux de rôle…). Certains professionnels en santé mentale ont aussi développé leur propre spécialisation (voir chapitre suivant).
  • Le processus psychothérapeutique nécessite, de la part de votre patient,  un investissement en temps, en énergie afin d’établir une relation de confiance et souvent aussi, un effort financier. Il est également opportun d’en parler avec lui. Notons que votre rôle en tant que médecin ne consiste pas à déterminer, à la place de votre patient, le degré d’investissement qui est adéquat. Le patient est celui qui souffre de la situation et qui peut donc évaluer ce qu’il est prêt à investir.
  • Si le patient décide que la psychothérapie peut être une étape utile, cela vaut la peine d’examiner avec lui les différentes options. Outre l’investissement en temps, en énergie et en argent que requiert une psychothérapie, il est important d’accompagner votre patient dans le choix d’une orientation spécifique : votre patient a-t-il une préférence pour un homme ou une femme ? Pour une telle façon de travailler ? Pour un centre de santé ou une localisation géographique (à proximité de chez lui ou non, pour des raisons de confidentialité…).

L’ENTRETIEN MOTIVATIONNEL

Malgré la conviction du patient que quelque chose doit changer et la compréhension de ce que propose l’aide centrée sur la personne, des obstacles subsistent souvent.

En tant que médecin généraliste, vous pouvez vous appuyer, dans ces situations, sur des outils de l’Entretien Motivationnel.

Un entretien motivationnel est un entretien au cours duquel le médecin par une écoute empathique, active et soutenante favorise la confiance du patient dans ses capacités de changement et augmente la motivation à changer.

« Aidez-moi à comprendre ce qui vous empêche précisément de franchir le pas ? »

Dans ce contexte, il est essentiel d’accepter le point de vue du patient de manière empathique, mais également responsabilisante. Ici aussi, l’exploration est déjà un traitement. Vous faites un travail qui a du sens, même si cela n’induit pas immédiatement des changements visibles et sans doute, vous faudra-t-il répéter vos interventions au cours de plusieurs consultations.

LA CONFIANCE, UN ÉLÉMENT CLÉ

Le processus psychothérapeutique s’appuiera en premier lieu sur l’établissement d’une relation de confiance entre le client et le psychothérapeute. L’établissement d’une relation de confiance peut être favorisé si le patient est impliqué dans le choix de la psychothérapie.

De plus, le crédit que vous accordez, en tant que médecin généraliste, au psychothérapeute peut jouer un rôle important pour votre patient.

Dans ce type de traitement, la qualité de la relation thérapeutique est un élément important. Cela signifie qu’il faut parfois un peu de temps pour que cette relation puisse se construire. Toutefois, cela signifie également que, lorsqu’un patient ressent que « cela ne colle pas », il peut être adéquat de chercher de nouveau pour trouver quelqu’un d’autre avec qui cela pourrait « coller ». Il serait très regrettable de jeter l’enfant avec l’eau du bain...

Une lettre de liasion AL EN TANT QU’OUTIL

Une lettre de liaison est un outil supplémentaire qui peut s’avérer bien utile. Cela peut aider votre patient à s’adresser à un psychothérapeute avec une première demande d’aide relativement ciblée. Cela peut aussi motiver votre patient à franchir le pas à prendre un rendez-vous pour une consultation spécialisée (cela peut éviter le « Mais, qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? ».

6.2Construire son réseau

Une fois que vous en êtes arrivés à la conclusion avec votre patient qu’une orientation vers un psychologue/psychothérapeute serait bénéfique, vous pouvez l’aider à affiner son choix vers une orientation appropriée ainsi qu’à planifier cette étape.

L’orientation du patient sera plus aisée si le médecin a une connaissance suffisante des acteurs en santé mentale et de la carte sociale de sa région.

PSYCHOLOGUE DE 1ÈRE LIGNE

Public-cible

Pour un groupe de patients les plus vulnérables (adultes, enfants, adolescents)

Formation

Master en psychologie clinique (titre protégé, contrôlé par la Commission des psychologues)

Pas de formation spécifique pour exercer en tant que psychologue de 1ère ligne, mais disposer d’au moins 3 ans d’expérience professionnelle en tant que psychologue clinicien

Type de pratique

Intégré aux différents réseaux de santé mentale répartis par province et conventionnés par l’INAMI

Traitement proposé

En ambulatoire

Deux types d’offre :

  • Soins psychologiques 1ère ligne : interventions de courte durée et/ou de faible intensité, permettant de maintenir ou de retrouver un bien-être psychologique satisfaisant, de réaliser une mise au point, une orientation ou de débuter une prise en charge
  • Soins spécialisés s'adressent aux personnes ayant des besoins plus spécifiques en raison d’une problématique psychique sous-jacente

Modalités

Individuel, Groupe au cabinet ou outreaching (domicile et institution)

Téléconsultation

Durée

Généralement dans les deux semaines suivant l’orientation

Nombre de séances

Variable en fonction de l’âge, du type de consultation (individuel et groupe) et de soins (voir site web)

Prix

Première consultation gratuite

11€ en individuel ou 4€ si droit à une intervention majorée

2,5€ en groupe

Au-delà du maximum de séances remboursées (voir site web), le prix des consultations varie entre 45 € et 75 € par consultation (1h)

Remboursement

INAMI

Oui

Remboursement

Mutuelle

Non

Site WEB

PSYCHOLOGUE/PSYCHOTHÉRAPEUTE

Formation

Master en psychologie clinique (titre protégé, contrôlé par la Commission des psychologues)

Très souvent, formation complémentaire de troisième cycle ou en psychothérapie. Il existe différents courants de psychothérapie :

Type de pratique

Pour la plupart des psychologues psychothérapeutes, en cabinets privés (multidisciplinaires)

En maison médicale, en centre de planning

Traitement proposé

En ambulatoire

Selon les pathologies et les personnes, une approche thérapeutique sera plus efficace qu’une autre. C’est pourquoi beaucoup de psychothérapeutes disposent d’un éventail de compétences qu’ils utilisent en fonction de la personne qu’ils ont devant eux. Cela dit, le champ de la psychothérapie se répartit en plusieurs terrains d’action depuis la psychothérapie générale jusqu’à la thérapie brève, en passant par la thérapie familiale, de couple, pour enfants, la thérapie de soutien ou de crise… (une description vous est décrite ci-dessous). La durée d’un traitement est donc fort variable

Modalités

Individuel, Groupe, Téléconsultation

Prix

45 à 75 €/consultation (± 1H00)

Remboursement

INAMI

Non

Remboursement

Mutuelle

Partiel pour certaines mutuelles

Site WEB

www.psychologue.be

SERVICE DE SANTÉ MENTALE (SSM)

Traitement proposé

Approche pluridisciplinaire (psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux...)

Modalités

Individuel, téléconsultation

A savoir que la demande est adressée à l’équipe et non à un professionnel en particulier. L’équipe évalue en son sein la demande et choisit le praticien le plus approprié pour y répondre

Durée

Procédures spécifiques en vue de l’obtention d’un rendez-vous. Dans de nombreux cas, la gravité des plaintes influence la durée de l’attente

Prix

11 €/consultation et 5€/ téléconsultation

Première consultation et contacts d’urgence gratuits

Remboursement

INAMI

Non

Remboursement

Mutuelle

Partiel pour certaines mutuelles

Site WEB

EQUIPES MOBILES DE SANTÉ MENTALE

Public-cible

Adultes à partir 16 ans en souffrance psychique

En cas de difficulté à accéder aux soins ou en risque de rupture de suivi

En cas d’absence d’alternative ou en substitut d’une hospitalisation ou d’une visite aux urgences

Type de pratique

Equipe composée d’infirmiers, d’éducateurs, de psychologues, d’assistants sociaux, d’ergothérapeutes et de psychiatres

Travail en réseau, par zones géographiques définies

Traitement proposé

Deux types d’offre :

Équipe mobile de crise : Traitement à domicile de personnes en crise ou en décompensation psychique nécessitant une prise en charge intensive et mobile. Visent à mettre en place un réseau de soins autour de la personne

Équipe mobile long cours : Traitement à domicile de personnes ayant besoin d’un accompagnement psychiatrique et social à long terme. Prise en charge multidisciplinaire couvrant tous les aspects du quotidien

Selon les provinces, équipe mobile avec offre spécifique : déficience mentale, sans-abrisme, assuétudes

Modalités

A domicile

Toute demande (de professionnel, de patient ou de proche) fait l’objet d’une évaluation rapide par l’équipe

Durée

Équipe mobile de crise : durée brève (selon l’équipe, 4 à 6 semaines), suivi intensif

Équipe mobile long cours : fréquence des visites et durée variables selon les besoins du patient

Prix

Gratuité

Remboursement

INAMI

/

Remboursement

Mutuelle

/

Site WEB

Bruxelles-Capitale : www.pfcsm-opgg.be/sites/default/files/2021-10/Repertoire-Equipes-Mobiles-2021%20FR.pdf

Wallonie : www.psy107.be/images/Wallonie_bis.pdf

PSYCHIATRE

Formation

Master de spécialisation en psychiatrie

Pour certains, formation complémentaire en psychothérapie

Type de pratique

En institution, hôpital général, hôpital psychiatrique ou en service de santé mentale

Et/ou en cabinets privés (multidisciplinaires)

Traitement proposé

En ambulatoire

En plus de la prescription médicamenteuse, offre une psychothérapie ou collabore avec un.e psychologue psychothérapeute

Modalités

En individuel

Prix

Tarif INAMI

Remboursement

INAMI

Oui

Remboursement

Mutuelle

Oui

Site WEB

/

6.3En cas de trouble anxieux

LE RÔLE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE

Même en cas d’orientation vers un spécialiste pour des troubles anxieux, le médecin généraliste conserve un rôle important :

  • Étape 1 : Exploration.
  • Étape 2 : Une bonne psychoéducation.
  • Étape 3 : Motivation de votre patient pour une orientation adéquate et ciblée.

Vu que l’anxiété a tendance à s’aggraver assez rapidement, il est important de ne pas tarder et d’intervenir selon les indications ci-dessous.

QUEL COURANT THÉRAPEUTIQUE POUR QUEL TROUBLE ANXIEUX ?

  • En cas de Trouble Obsessionnel-Compulsif (TOC), vous pouvez orienter le patient vers une Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC).
  • En cas de syndrome de stress post-traumatique(PTSD), vous pouvez proposer au patient une une TTC axée sur le trauma, une intervention EMDR (Eye Movement Desensitisation and Reprocessing) ou de l’hypnose.
  • En cas de symptômes spécifiques (claustrophobie, phobies pour des araignées, acrophobie…) et d’hypocondrie, vous pouvez conseiller au patient une TCC.
  • En cas d’anxiété, pour une approche centrée sur les symptômes, vous pouvez adresser le patient à un psychologue de première ligne ou à un thérapeute cognitivo-comportemental.

Si l’attente du patient n’est pas uniquement la prise en charge des symptômes d’anxiété mais de réaliser un travail plus approfondi, vous pouvez l’orienter vers une approche qui se centre davantage sur le personne et son histoire. Consultez à ce sujet la fiche Patient « Types de psychothérapies ».

6.4En cas de dépression

QUAND RÉFÉRER ? 

Le modèle de prise en charge par échelons (voir chapitre 5.4)  propose des soins adaptés au patient selon le niveau de gravité de la dépression (voir chapitre 5.2) qu’il présente. Plus la dépression est sévère, plus les mesures thérapeutiques agissant sur les facteurs psychologiques, sociaux et biologiques de la dépression sont nombreuses et diversifiées. En cas d’amélioration insuffisante de l’état du patient suite aux mesures instaurées, on intensifiera la prise en charge en passant à l’échelon supérieur. Selon ce modèle, si votre patient présente une dépression avérée et n’évolue pas suffisamment bien malgré l’exploration de la dépression, la psychoéducation individualisée et la mise en place d’interventions non médicamenteuses (voir chapitre 5.4), il est temps de proposer à votre patient une orientation vers un psychothérapeute.

Consultez l’outil d’aide à la pratique Le bon moment pour une psychothérapie

 

Comment référer ?

On veillera à signifier au patient qu’une orientation vers un psychothérapeute n’est pas synonyme d’une volonté d’interrompre le suivi. Il est important qu’un désir d’être accompagné émane du patient et que celui-ci ne considère par son suivi psychothérapeutique comme une obligation. Par ailleurs, on prêtera attention aux préférences du patient en matière de choix du thérapeute (âge, genre, personnalité…).  Un courrier peut être rédigé par le médecin généraliste afin d’introduire le patient au psychothérapeute et installer ainsi les bases d’une bonne communication.

 

Quel courant psychothérapeutique ?

A l’heure actuelle, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a réuni le plus de preuves scientifiques de son efficacité dans le traitement de la dépression. Cependant, toute orientation peut être considérée, tant que le patient se sent en confiance avec son thérapeute et qu’il estime tirer des bénéfices de son suivi.

 Consultez la fiche Patient « Types de psychothérapies » à ce sujet.

 

Quelles modalités de suivi ?

Plus la dépression est grave, plus la thérapie sera intense (fréquence des consultations) et prolongée.

Utilisation rationnelle des benzodiazépines

7.1Prescrire une BZD malgré tout ?

INTRODUCTION

Les traitements médicamenteux n’occupent qu’une place limitée dans la prise en charge des plaintes liées au stress et à l’insomnie. Une approche large et globale, s’intéressant au contexte psychosocial du patient et non médicamenteuse (voir chapitre 1) devrait en général être favorisée dans ces problématiques, même en médecine générale. Cependant, si vous ne vous sentez pas adéquat pour aborder ce type de plainte, une réorientation vers une aide spécialisée est alors souhaitable.

Indépendamment de la prise en charge non médicamenteuse de ces plaintes, il est utile et important que vous puissiez, en tant que médecin, introduire l’idée d’interventions non médicamenteuses pour votre patient et l’accompagner vers une compréhension biopsychosociale de sa situation. Vous pourrez ainsi lui montrer que vous prenez en considération sa souffrance psychologique, que vous êtes présent pour lui et que vous n’esquivez pas la discussion par la prescription hâtive d’une médication.

En tant que médecin généraliste, vous pouvez partager la conviction avec votre patient que les interventions non médicamenteuses sont les traitements de première intention (plus efficaces, plus durables et sans effets secondaires). Des données probantes supportent par ailleurs ce type d’approche.

PRESCRIRE DE MANIÈRE « RAtionnelle ET ADÉQUATE » ?

Les plaintes psychosociales sont souvent des réactions saines à des situations problématiques. Médicaliser ces réactions sans modifier la situation n’a guère de sens.

Quoique le traitement médicamenteux ne soit pas le premier choix pour les plaintes envisagées dans le cadre de ce manuel, il peut parfois être utile de compléter votre approche par une intervention médicamenteuse. Il est important, dans ce cas, d’aider votre patient à recourir à un usage rationnel des psychotropes.

La prescription adéquate et rationnelle de benzodiazépines repose toujours sur 2 paramètres :

  • Le choix approprié des situations où il est judicieux de proposer une médication.
    Cette sélection est importante, puisque les psychotropes n’entraîneront pas par eux-mêmes de guérison.
  • L’information correcte de votre patient quant aux avantages et inconvénients de ces médicaments, tout en déterminant dès le départ la durée de l’intervention médicamenteuse.

DES MÉDICAMENTS SYMPTOMATIQUES

Les benzodiazépines ne sont pas des médicaments qui guérissent : elles ont un effet symptomatique en augmentant le confort de votre patient. Cependant, elles peuvent parfois aussi influencer directement le décours de la maladie. En effet, les plaintes du patient ont un rôle d’alerte, en lui indiquant lorsqu’un déséquilibre survient entre ses ressources et les contraintes auxquelles il doit faire face. Il est important que le patient puisse prêter attention à ces signaux d’alerte, afin de ne pas compromettre son processus de guérison. Or, la prise de benzodiazépines peut masquer ces signaux.

À cet égard, un exemple classique implique la perte d’êtres chers. La sédation du chagrin du patient peut retarder le processus de deuil et retarder la résolution de l’épisode. Ce processus implique, en effet, de traverser une série d’émotions qui peuvent être douloureuses. Cependant, l’intensité des émotions est à prendre en compte puisqu’il n’est ni sain, ni thérapeutique de se noyer dans des émotions négatives.

7.2En cas d'insomnie

TRAITER LA CAUSE

Si l’approche centrée sur les plaintes ou sur la personne s’avère insuffisante, vous pouvez la compléter par une intervention médicamenteuse de courte durée.

Les médicaments ont généralement une place limitée dans la prise en charge des troubles du sommeil. Une approche non médicamenteuse est à privilégier, même en médecine générale.

Les troubles du sommeil sont des réactions fréquentes en cas de situations déstabilisantes: la nuit est en effet le miroir de la journée. Médicaliser les problèmes de sommeil sans rien changer aux situations qui les sous-tendent ne constitue pas une solution durable.

L’objectif de la prise en charge ne vise pas à augmenter la quantité de sommeil de votre patient, mais à améliorer le fonctionnement du patient durant la journée ainsi qu’à éviter la somnolence diurne.

Cet objectif est parfois difficilement conciliable avec un traitement médicamenteux, qui risque de perturber le travail thérapeutique du patient et qui peut avoir des effets persistants en journée. Pour de plus amples informations, consultez la brochure   .

Si le traitement médicamenteux n’est pas le premier choix en cas d’insomnie, il peut toutefois parfois compléter votre approche non médicamenteuse, en veillant à ce que le patient soit correctement informé et que la durée de traitement soit la plus brève possible. Le patient pourra alors contribuer à l’utilisation rationnelle des BZD. En cas d’intervention médicamenteuse complémentaire, il est important de planifier une consultation de suivi après une semaine, pour évaluer l’efficacité du traitement, s’enquérir des effets indésirables et envisager la suite de la prise en charge.

QUELS MÉDICAMENTS POUR L’insomnie ?

UNE BENZODIAZÉPINE DE DURÉE DE VIE MOYENNE

Par exemple, le Lormetazepam (Loramet®) ou le Loprazolam (Dormonoct®). Choisissez la dose la plus faible et le plus petit conditionnement. En cas d’utilisation quotidienne supérieure à 1 semaine, on constate une efficacité réduite (tolérance). A partir de 2 semaines d’utilisation, une dépendance psychologique voire physique peut déjà s’être développée.

UNE Z-DRUG

Par exemple, le Zolpidem (Stilnoct®) ou le Zopiclone (Imovane®). Dites au patient de débuter avec un demi comprimé et s’il est âgé, de ne pas dépasser cette dose. Il n’y a pas de valeur ajoutée à utiliser une z-drug par rapport aux benzodiazépines et le coût est plus élevé. Le seul avantage est qu’il existe de plus petits conditionnements.

AUTRES MÉDICAMENTS

ANTIDÉPRESSEURS

Il n’existe pas de preuve scientifique quant à l’efficacité des antidépresseurs (Mirtazapine (Remergon®), Trazodone (Trazolan®), Amitriptyline (Redomex®), Miansérine (Lerivon®)...) dans le traitement de l’insomnie. En outre, les effets indésirables attendus sont souvent les mêmes que ceux des benzodiazépines et « z-drugs » (somnolence diurne, diminution de la vitesse de réaction, risque de chutes et d’accident). Ce n’est que lorsque le trouble de sommeil est un symptôme d’un tableau dépressif que la prescription d’antidépresseurs peut être envisagée (voir à ce sujet le chapitre 9.3). Dans ce cas, il convient de relever que le traitement des plaintes du sommeil n’est pas un objectif en soi.

PHYTOTHÉRAPIE AVEC VALÉRIANE

On ne connaît pas grand-chose des effets et de la sécurité en cas d’utilisation prolongée de valériane et il a également été rapporté un risque de somnolence diurne à des doses élevées.

MÉLATONINE

  • En cas de décalage horaire : il semble qu’une dose de 2 à 5 mg de mélatonine avant le coucher puisse avoir un effet favorable.
  • Pour le travail en pause : la mélatonine a un impact limité sur la durée du sommeil, mais pas sur la durée d’endormissement pour lequel il n’est pas considéré comme efficace.
  • Chez les personnes âgées(de plus de 55 ans) : 2 mg de mélatonine (Circadin) peuvent avoir un certain impact sur les problèmes chroniques de sommeil : influence favorable sur le temps d’endormissement, mais pas sur la durée totale de sommeil.
  • Il n’existe pas de preuves scientifiques pour l’efficacité de la mélatonine dans les autres situations d’insomnie.

ANTIHISTAMINIQUES SÉDATIFS

Par exemple, l’Hydroxyzine (Atarax ®), le Difenhydramine (Nustasium®), l’Alimemazine (Theralene®).
Ils sont parfois utilisés pour l’insomnie en raison de leurs effets secondaires (sédation), mais leur usage ne repose pas sur des études scientifiques. Attention également aux effets indésirables anticholinergiques et à la somnolence diurne, notamment chez les personnes âgées.

NEUROLEPTIQUES

Par exemple, la Quétiapine (Séroquel®), le Prothipendyl (Dominal®), la Clotiapine (Etumine®).

Ceux-ci ne sont pas indiqués dans le traitement de l’insomnie. Ils ont beaucoup d’effets indésirables et leur efficacité dans cette indication n’est pas avérée.

LE CHOIX DES SITUATIONS

Une approche centrée sur les plaintes de sommeil est toujours la première étape à privilégier.

Cette approche se centre sur l’apprentissage de la relaxation (et non du sommeil). Apprendre à se détendre (aussi bien la nuit que durant la journée) contribue à une meilleure qualité du sommeil : la nuit est le miroir de la journée.

L’objectif est donc d’améliorer le fonctionnement du patient durant la journée et d’éviter la somnolence diurne. Cet objectif est parfois difficilement conciliable avec un traitement médicamenteux, qui risque de perturber le travail thérapeutique du patient et qui peut avoir des effets persistants en journée. Pour de plus amples informations, consultez  la brochure Somnifères & calmants.

En tant que médecin, vous tenterez donc de répondre au problème d’insomnie de votre patient en le guidant vers une amélioration de son équilibre de vie et en l’accompagnant dans une approche centrée sur les plaintes. Si ces mesures ne contribuent pas suffisamment à une évolution favorable, il sera peut-être nécessaire d’orienter votre patient vers une aide plus spécialisée et de compléter ces interventions par la mise en place d’une médication de courte durée.

INFORMER VOTRE PATIENT AU SUJET DES BZD

DES MEDICAMENTS SYMPTOMATIQUES

Les benzodiazépines ne sont pas des médicaments qui guérissent : ils agissent sur les symptômes en augmentant le confort de votre patient.

EFFETS INDÉSIRABLES DES BZD

Administrer des BZD peut mener à des effets indésirables perturbant potentiellement le fonctionnement du patient en journée. Or, l’amélioration du fonctionnement diurne est l’objectif principal de la prise en charge d’une insomnie, la prise de BZD peut entraver l’atteinte de cet objectif.

Ces effets résiduels diurnes, lorsqu’ils sont présents, sont responsables d’un risque plus élevé de chutes et d’accidents. La mémoire et le raisonnement sont perturbés, les vitesses de réaction sont diminuées et des symptômes de manque peuvent apparaître : troubles du sommeil, angoisse, hyperactivité adrénergique avec palpitations, tachycardie, agitation, transpiration, nausées et même hallucinations et délire.

Les BZD perdent très vite leur efficacité, dû à un phénomène appelé « tolérance » à la molécule qui peut déjà se manifester potentiellement après une semaine de traitement. Une dépendance, physique et psychologique, peut également apparaître, après à peine 2 semaines de prise quotidienne. Paradoxalement, les symptômes de sevrage des BZD sont similaires à ceux pour lesquels ces médicaments sont en général prescrits.

7.3En cas d'anxiété

QUAND PRESCRIRE ?

Lorsqu’une approche non médicamenteuse - centrée sur les plaintes ou sur la personne –apparaît inefficace, elle peut être complétée par un traitement médicamenteux. En cas de plaintes anxieuses, l’approche médicamenteuse peut aussi être une intervention en première intention. En effet, la pharmacothérapie s’est révélée efficace pour atténuer les perceptions anxieuses.

PRÉCAUTIONS

  • Tenir compte des effets secondaires du traitement médicamenteux.
  • La rémission est plus solide après une psychothérapie d’autant plus qu’elle aura traité les causes du symptôme. Le Cercle de l’anxiétépermet d’illustrer pourquoi la pharmacothérapie ne guérit pas, mais apaise plutôt.
  • Pour éviter la rechute (ou l’usage chronique de médication), il est également pertinent de, à côté de la pharmacothérapie, de corriger les distorsions cognitives et de transformer les comportements d’évitement. Les stimuli déclencheurs d’anxiété doivent être « déconditionnés » afin de briser le cercle vicieux de l’anxiété.
  • En tant que médecin généraliste, tentez de soutenir votre patient par une approche psychosociale et, au besoin, l’orienter vers une prise en charge psychologique spécialisée (voir chapitre 6).
  • En cas d’une intervention médicamenteuse complémentaire, il est toujours utile de planifier une consultation de suivi après une semaine pour vérifier l’efficacité, s’enquérir des effets indésirables du traitement et évaluer la suite de l’accompagnement.

QUELS MÉDICAMENTS POUR LES TROUBLES ANXIEUX ?

ANTIDEPRESSEUR

L'antidépresseur est considéré comme le premier choix.

  • SSRI:

Par exemple, le Citalopram (Cipramil®), l’Escitalopram (Sipralexa®), la Paroxetine (Seroxat®), la Sertraline (Serlain®). Démarrer directement avec la dose standard, ou si des effets indésirables sont prévisibles, commencer avec la moitié de la dose et augmenter après une à deux semaines jusqu’à la dose standard. Débuter, de préférence, avec des doses plus faibles chez les personnes âgées. Cela ne doit pas se faire en combinaison avec les AINS.
Attention au syndrome sérotoninergique avec les combinaisons TCA/SSRI et avec les Triptans.

  • Tricycliques :

Par exemple, l’Amitriptyline (Redomex®) et le Clomipramine (Anafranil®). Démarrer avec une faible dose pour réduire les effets indésirables et augmenter progressivement jusqu’à la dose efficace. On commence avec 25 mg (chez les personnes âgées avec 10 mg) au coucher et on augmente par palier de 25 mg jusqu’à atteindre la dose efficace en 2 semaines. On évalue l’impact 4 à 6 semaines à compter de la mise en place. Le cas échéant, le dosage peut encore être augmenté jusqu’à la dose maximale en cas d’effet insuffisant. Chez les personnes âgées, il est souhaitable de prévoir une diminution de moitié ou d’un tiers de la dose à appliquer et d’augmenter le dosage plus lentement. Ne pas prescrire chez des personnes ayant fait récemment des accidents cardio-vasculaires, des troubles du rythme, en cas de miction difficile, de glaucome et d’épilepsie.

  • Un nombre limité d'études positives existent également pour les IRSN, la Duloxétine et la Venlafaxine.
  • Remarque :Il existe peu de comparaisons directes et peu d’études sur les combinaisons médicamenteuses. Il existe principalement des études en faveur de l’usage de SSRI, mais pas d’argument pour préférer l’un d’entre eux. L’Escitalopram et la Sertraline sont d’un usage facile en ce qui concerne la posologie. La durée minimale de traitement est comprise entre 6 et 12 mois après rémission de l’épisode. En cas de non-efficacité après 6 semaines de traitement à dose maximale, les recommandations suggèrent de prescrire un autre antidépresseur et de prévoir une période de transition entre les deux traitements. Il s’agit ensuite de diminuer les doses lentement en cas d’arrêt du traitement et d’être attentif à une rechute des symptômes.

BENZODIAZEPINES

Les benzodiazépines sont prescrites uniquement dans des situations de crises exceptionnelles ou pour une durée très courte d’une semaine maximale. On choisit alors une molécule à action moyenne ou longue. En cas d’utilisation supérieure à 1 semaine, l’efficacité est réduite (tolérance) et il existe déjà un risque de dépendance (physique et psychologique) à partir de 2 semaines d’utilisation.

BÊTA BLOQUANTS

Pour les angoisses de performance lors d’un examen ou d’une prestation en public, on peut utiliser Propranolol (Inderal®) 10 à 40 mg 30 min à 2 h avant la prestation.

PREGABALINE (Lyrica®)

En cas d’anxiété généralisée, la Prégabaline peut être envisagée (débuter par 150 mg par jour, dose maximale de 600 mg fractionnée). Il s’agit d’une indication de deuxième intention en cas d’intolérance aux antidépresseurs, ou à cause d’interactions avec d’autres médications. Il existe ici aussi un risque d’abus et d’effets secondaires (prise de poids, ataxie, douleur articulaire, troubles visuels, agressivité, trouble du rythme cardiaque, etc.).

LIENS & DOCUMENTS UTILES

Pour d’autres informations de synthèse concernant les interventions médicamenteuses :

LE CHOIX DES SITUATIONS

Dans les cas les plus graves, il existe un consensus selon lequel une combinaison d’une approche médicamenteuse et non médicamenteuse est la plus appropriée.

Cependant, une attention suffisante accordée au diagnostic différentiel par le médecin généraliste en cas de trouble anxieux représente une tâche importante en vue de motiver et d’orienter de manière appropriée vers une prise en charge spécialisée au besoin.

Il est important de savoir que le soulagement des symptômes par la médication de votre patient pourrait avoir un effet négatif sur sa motivation à s’orienter vers une prise en charge spécialisée (par un effet masquant). En effet, cela aurait l’effet immédiat « d’un emplâtre sur une jambe de bois », mais cela ne traiterait pas la situation de fond, qui elle demande un travail thérapeutique dans la durée.

7.4En cas de stress

PAS D’INTERVENTION MÉDICAMENTEUSE !

La prescription de psychotropes n’a pas de véritable place en cas de plaintes liées au stress car elle peut faire croire au patient que sa situation s’améliore, et à ses yeux minimiser son importance et ses conséquences. L’approche non médicamenteuse centrée sur les plaintes devra toujours être privilégiée y compris en médecine générale.

La prise en charge consistera d’abord à une psycho-éducation sur le stress ainsi qu’au rétablissement de l’équilibre. Le repos « actif » est une option thérapeutique importante : en tant que médecin généraliste, il est conseillé de prescrire une incapacité de travail de 2 à 3 semaines. Ce n’est que lorsque votre patient aura été au repos pendant une période suffisante qu’il lui sera possible d’envisager de nouvelles interventions.

Si l’approche centrée sur les plaintes de stress ne contribue pas suffisamment à une évolution favorable, une orientation vers une aide spécialisée est nécessaire (voir chapitre 6).

situations EXCEPTIONNELleS

A titre exceptionnel, il se peut que votre intervention non médicamenteuse puisse être combinée avec une thérapie pharmacologique. Il est, dans ce cas, essentiel d’accompagner le patient dans un usage rationnel et adéquat des psychotropes (voir chapitre 7.1). 

Un exemple : un traitement médicamenteux peut exceptionnellement compléter la prise en charge de troubles du sommeil qui sont liés à des plaintes liées au stress. On peut alors utiliser :

BENZODIAZÉPINE DE DURÉE DE VIE MOYENNE 

Type Lormetazepam (Loramet®) ou Loprazolam (Dormonoct®) 1 ou 2 mg (selon le poids — choisissez la dose la plus faible et le plus petit conditionnement (30 comprimés) — maximum pour 1 semaine). En cas d’utilisation supérieure à 1 semaine, on constate une efficacité réduite (tolérance) et la possibilité d’une dépendance physique et psychologique déjà à partir de 2 semaines d’utilisation.

Z-DRUG (ZOLPIDEM) 

Il est recommandé d’utiliser une z-drug de maximum 10 mg (5 mg chez les personnes âgées).
Il n’y a toutefois pas de valeur ajoutée par rapport aux benzodiazépines et le coût est plus élevé. L’avantage est qu’il existe un conditionnement de 7 comprimés.

La médication peut apaiser temporairement la symptomatologie, mais ne va pas soigner le stress et ses mécanismes sous-jacents. Discuter avec votre patient pour identifier ses facteurs de risque et de protection du stress est une étape clé. Cela permettra de rechercher ensemble les solutions non médicamenteuses les plus appropriées à sa situation.

DES CONSULTATIONS DE SUIVI

Prévoyez plusieurs consultations de suivi pour les plaintes liées au stress. En particulier, il est important de programmer une consultation après une semaine en cas de traitement médicamenteux en vue d’évaluer l’efficacité de ce traitement, la présence d’effets secondaires et le suivi nécessaire.

PHYTOTHÉRAPIE

Dans le Répertoire commenté des Médicaments du CBIP figurent un certain nombre de médicaments qui contiennent des extraits de plantes, notamment dans le chapitre « Hypnotiques, sédatifs, anxiolytiques ». Ceux-ci ont fait l’objet d’une procédure d’enregistrement simplifié vu :

  • Leur usage traditionnel: il n’y a pas suffisamment de preuves provenant d’essais cliniques, mais leur efficacité est plausible et il a été démontré qu’elles ont été utilisées de cette façon de manière sûre pendant au moins 30 ans, dont au moins 15 ans en Union Européenne ;
  • Ou leur usage bien établi: il existe des données bibliographiques fournissant une preuve scientifique de leur efficacité et de leur sécurité lorsqu’elles sont utilisées de cette manière, et couvrant une période d’au moins 10 ans en Union européenne.

Des compléments alimentaires et des dispositifs médicaux à base de plantes sont également disponibles avec mention d’un effet favorable sur le sommeil, l’anxiété et le stress.

À l’heure actuelle, des effets indésirables à long terme (dépendance, tolérance) n’ont pas été observés lors de l’utilisation de ces plantes. Mais leur administration ne doit pas faire oublier au patient l’importance des mesures non médicamenteuses, de la recherche et de la prise en charge de la cause de ses plaintes.

Sevrage des benzodiazépines

8.1BZD : Solution ou problème ?

QUAND LE TRAITEMENT DEVIENT ADDICTION

Les BZD ne doivent de préférence pas être prescrites plus de 1 à 2 semaines, car elles risquent d’induire ensuite un phénomène de tolérance et de dépendance. Il est donc important de fixer une date de fin de prise des BZD dès leur instauration.

Ce qui commence par être une aide « temporaire » finit souvent par poser problème.
En raison de l'apparition d'un phénomène de tolérance, à partir d'une semaine déjà, les BZD ne remplissent rapidement plus leur fonction anxiolytique. Une fois la dépendance installée, la survenue de symptômes de sevrage peut compliquer l’arrêt de ces médicaments.

Les raisons potentielles qui peuvent conduire votre patient à prendre des BZD de manière régulière et continue sont nombreuses :

  • Une prescription adéquate et indiquée a débouché de manière involontaire vers une prise chronique ;
  • Les BZD ont été instaurées et poursuivies à l'hôpital ;
  • Un collègue (ou vous-même) avez précédemment prescrit des BZD ;
  • Dans les MRS et autres établissements, il y a eu des incitations (de la part des soignants/des familles) pour prescrire ou continuer à prescrire des BZD ;
  • La prise des BZD a été arrêtée (partiellement ou totalement), mais le patient a « rechuté ».

POUR QUI ENVISAGER UN SEVRAGE ?

Comme aucune indication ne justifie la prise quotidienne prolongée de BZD, il est toujours pertinent de proposer aux personnes qui font un usage chronique de BZD de stopper progressivement leur médication, même si cela n'est pas toujours évident.

Envisagez en tout cas le sevrage des BZD chez les patients qui :

  • Ne prennent qu'une dose limitée de BZD ;
  • Ont pris des BZD pendant une durée limitée ;
  • Ont reçu des BZD pour un problème léger ;
  • « Fonctionnent relativement bien » ;
  • Ne présentent pas de comorbidité psychiatrique importante ;
  • N'ont pas d'addiction à d'autres substances.

Le sevrage, chez ces patients, ne devrait pas poser de problème majeur.
Cependant, même dans les cas plus complexes, le sevrage reste toujours indiqué.

LES 3 PHASES DE LA MOTIVATION

Pour accompagner votre patient vers l’arrêt d’une prise chronique de BZD, vous adapterez votre attitude, en tant que médecin, au cours de trois phases qui se succéderont dans un ordre précis :

  • La phase 1 est celle de l’identification du problème et de l’information. Elle vous demandera surtout d'être attentif et de prendre des initiatives: il importe d’aborder le problème et communiquer au patient une information pertinente, quant à l'usage des médicaments.
  • La phase 2 concerne la motivation et est potentiellement la plus difficile, car elle vous demandera patience et engagement. Des interventions motivationnelles répétées aideront votre patient à accroître sa motivation, jusqu’à ce qu’il soit finalement prêt à réaliser le sevrage en tant que tel. Cette phase peut prendre du temps.
  • La phase 3 correspond au sevrage en tant quel, c’est-à-dire l’arrêt progressif de la médication.

8.2Quelle attitude adopter en tant que médecin ?

L’IMPORTANCE DE L’EMPATHIE

Une attitude empathique et ouverte offre à vos patients les meilleures conditions pour développer leur motivation intrinsèque.

Respectez toujours le rythme de votre patient, ce qui nécessitera parfois de vous montrer très patient.

N’agissez jamais au détriment de la relation de confiance médecin-patient. Ainsi, n’entrez pas en conflit avec votre patient, par exemple, en lui refusant une nouvelle prescription. Le nombre de prescriptions diminuera au fur et mesure du renforcement de la motivation de votre patient. Rassurez aussi le patient sur le fait que vous lui ferez une prescription lorsqu'il estimera que c'est nécessaire.

Tentez malgré tout d’aborder la question du sevrage avec votre patient. Vous accompagnerez ses processus de prise de conscience de la situation et d’accroissement de sa motivation. Vous ferez ainsi un travail utile, même si votre patient n'est pas directement prêt à entamer un sevrage.

RÉPÉTER SANS HARCELER

Renouvelez vos conseils et observations, encore et encore. Cela vous permettra de montrer clairement à votre patient que vous considérez qu'il s'agit de quelque chose d'important pour lui et de maintenir votre attention sur la situation. La répétition offre en outre l'avantage d’évaluer régulièrement ce que votre patient aura retenu des interventions précédentes, pour ajuster vos interventions.

Par contre, revenir sur ce thème à chaque consultation n'est pas bénéfique pour votre relation médecin-patient. Le mieux est de convenir avec votre patient du moment où vous aborderez à nouveau le sujet. Éventuellement, vous pouvez aussi indiquer à votre patient à quelle fréquence vous reviendrez sur ce point. Par exemple, au moment du renouvellement d'une prescription. Une fois par trimestre ? Deux fois par an ?

RESPONSABILISER LE PATIENT

En tant que médecin généraliste, vous responsabilisez votre patient, car c'est lui qui, au final, décidera de faire évoluer ou de maintenir la situation (n'oubliez pas que votre but est de le motiver, pas de le forcer à être motivé). Vous ne pouvez obliger votre patient à rien : il reste le maître de sa vie et de sa qualité de vie.   
Vous tenez, en tant que médecin, les rênes du processus en renouvelant vos conseils et vos observations à son sujet, tout en explorant, de manière empathique ce que votre patient en retient, dans le cadre d'un éventuel changement.

APTITUDES DU MÉDECIN QUI AUGMENTENT LA MOTIVATION

  • Proposer une discussion ouverte
  • Accepter l'apport du patient
  • Motiver et soutenir le patient
  • Écouter, au lieu de dire comment cela doit être ou ce qu’il faut faire
  • Poser des questions ouvertes (pas de réponses oui/non)
  • Identifier les propos ambivalents
  • Accepter l'ambivalence comme faisant partie du processus de changement
  • S'intéresser aux deux facettes de l’ambivalence
  • Faire prendre conscience au patient des conséquences sur le plan personnel
  • Donner un feed-back constructif plutôt que dévalorisant
  • Éviter les oppositions frontales
  • Éviter de corriger/rectifier le patient
  • Inviter (ne pas forcer) à voir les choses sous un autre angle
  • Persuader de manière subtile et prudente
  • Demander au patient de s’exprimer sur sa motivation au changement
  • Éviter d'imposer quelque chose au patient
  • Soutenir l'idée que le patient peut changer
  • Ne pas trop mettre l'accent sur le « diagnostic »
  • Utiliser le choix du patient comme point de départ
  • Privilégier une approche objectivante
  • Réfléchir à sa propre réaction face à une résistance
  • Demander au patient de formuler des solutions
  • Donner des conseils sans engagement
  • Nourrir l'espoir
  • Manifester des signes d’empathie
  • Expérimenter une position paradoxale (par exemple, « Vous voulez donc prendre cette pilule jusqu'à la fin de vos jours ? »)

8.3Phase 1 : Quand et comment aborder le problème ?

QUELQUES QUESTIONS À VOUS POSER

Avant d'aborder le problème avec votre patient, posez-vous quelques questions préparatoires... la motivation de votre patient à arrêter commence toujours par un médecin généraliste motivé aussi !

  • « Quelle(s) est/sont la/les benzodiazépine(s) que je prescris, à quelle dose, à quelle fréquence et depuis quand ? »
  • « Quelle était l'indication initiale ? »
  • « Quels sont les arguments ou les indications actuelles qui justifient ce traitement ? »
  • « Quelle information à l'usage des médicaments a reçue le patient au moment de l'instauration de ce médicament ? Les avantages et inconvénients de ce médicament ont-ils été rediscutés ultérieurement ? »
  • « Ai-je déjà fait une tentative de sevrage avec ce patient et, le cas échéant, pour quelles raisons a-t-elle échoué ? »
  • « Quelles sont mes raisons, en ma qualité de médecin généraliste, pour ne pas aborder le problème ? »

OSEZ ABORDER LE PROBLÈME

La prise chronique de BZD est un comportement qui dépend de la vigilance et de la motivation du médecin à aborder le problème. Les patients ont rarement conscience des inconvénients liés à cette habitude, qu'ils ne considèrent souvent pas comme délétère ou comme une addiction.

Le simple fait d'aborder le problème et d'informer votre patient est déjà lié à un taux de réussite relativement élevé (et souvent sous-estimé) ! Dans ce cadre, votre confiance et votre conviction du bien-fondé et de la faisabilité du sevrage des BZD pour votre patient sont importantes. Si vous en doutez vous-même ou si votre attitude est ambiguë, vous diminuez considérablement les chances de réussite. Votre vigilance et vos initiatives font la différence.

MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE… SEVRER

Motiver votre patient à arrêter la prise chronique des BZD n'est pas évident et exige de vous patience et motivation.

Pour de nombreuses raisons, il vaut mieux prévenir la prise chronique des BZD que de devoir l'arrêter. Ainsi, une prescription adéquate et rationnelle des BZD repose toujours sur deux paramètres :

  1. Le choix adéquat des situations dans lesquelles il est pertinent de compléter la prise en charge par un traitement médicamenteux. Ce choix est important, parce que les BZD ne favorisent pas le « processus de guérison » de votre patient.
  2. La prescription rationnelle de psychotropes nécessite que vous informiez suffisamment le patient des avantages et des inconvénients de ce type de médicaments et que vous conveniez d'emblée de la durée du traitement médicamenteux.

BZD : UNE ADDICTION PARTICULIÈRE

Motiver les patients à adopter un comportement bénéfique pour leur santé représente toujours un défi. Contrairement à la motivation de votre patient à arrêter de fumer, à avoir une activité physique ou à avoir une alimentation saine, un patient qui prend des BZD de manière chronique se présentera rarement à vous avec une plainte que vous pourrez clairement lier à la prise des BZD.

Les exceptions à ce niveau peuvent être : des chutes, des problème de mémoire et de concentration et de la fatigue. Quand votre patient qui fait un usage chronique de BZD vous consulte avec des problèmes de ce type, vous pouvez saisir l’occasion pour évoquer avec lui sa consommation chronique de BZD. Tout comme, par exemple, des symptômes d'essoufflement vous permettent d'aborder le problème du tabagisme chronique.

Cela veut dire qu’aborder la question du sevrage des BZD demande de votre part, en tant que médecin, de l’engagement, de la motivation et du temps. L'initiative à ce niveau vient rarement des patients. Dans les problématiques liées aux addictions, il est rare que les patients demandent d’eux-mêmes qu'on les aide à arrêter. Dans ce genre de problématique, l'initiative vient le plus souvent de l'extérieur.

EST-CE VOTRE RÔLE ? OUI !

En tant que médecin généraliste, vous êtes un thérapeute qui s'engage à prendre en charge les symptômes avec lesquels les patients se présentent chez vous et généralement, ce sont les patients qui énoncent eux-mêmes leurs problématiques.

Quand vous abordez le problème de la prise chronique de BZD, il est donc possible que vous ayez le sentiment de créer un problème là où le patient n’en voit pas. Cela pourrait, à tort, vous faire penser que ce que vous faites est contraire à votre rôle de thérapeute.

Il y a pourtant de nombreux bénéfices potentiels à ouvrir la discussion avec votre patient autour du sevrage des BZD.

Qui plus est, si les patients n'évoquent pas eux-mêmes la question, cela ne signifie pas pour autant qu'ils ne soient pas désireux de les arrêter.

BZD = TABAGISME ?

Les patients n'ont souvent pas conscience des inconvénients liés à la prise chronique de BZD et la considèrent donc rarement comme un problème. À ce niveau, la prise de BZD est très différente, par exemple, du tabagisme. De ce fait, aborder le sujet du sevrage des BZD et aborder celui de l'arrêt du tabagisme sont deux choses très différentes.

Grâce aux nombreuses campagnes de prévention, la population en général sait que fumer est nocif pour la santé. Dans le cas des BZD, il en va tout autrement. Vous ne pouvez pas partir du principe que les patients sont conscients des effets négatifs des somnifères et des calmants : ici, en tant que médecin généraliste, vous pouvez donc déjà faire une différence.

Le fait qu'un patient n'aborde pas de lui-même la problématique du sevrage fait que vous ne pouvez pas spontanément savoir où en est sa motivation. Il est fort probable que le patient n'ait tout simplement pas conscience que la prise chronique des BZD est une habitude problématique (ou même une addiction), nocive pour sa santé.

ET SI LE PATIENT A DÉJÀ tenté D’ARRÊTER ?

Retenez aussi qu'une tentative d'arrêter les BZD qui a échoué ne fournit que peu d'indications sur la motivation ou les chances de réussite d'une nouvelle tentative de sevrage chez un patient. Et l'inverse est même parfois vrai car, dans ce cas, le patient a cette fois bien conscience de son « problème ». Votre accompagnement vers l'arrêt progressif peut faire la différence. Chez ces patients, vos interventions motivationnelles seront importantes.

UN OUTIL UTILE : LA LETTRE « STOP »

Grâce à des interventions comme la LETTRE STOP INFORMATION, vous pouvez contacter et informer simultanément les patients pour lesquels vous pensez que le sevrage des BZD serait indiqué. Cette intervention connaît un taux de succès considérable !

CONSEILS DE COMMUNICATION SUR LA MANIÈRE D’ABORDER LE PROBLÈME 

Mentionner à votre patient qu'il a peut-être l'impression que vous lui « ajoutez un problème » que lui ne perçoit pas, peut créer l'espace nécessaire pour aborder le sujet de sa prise chronique de BZD. Peu de patients se montrent réticents négatifs face aux interventions suivantes :

  • « Cela va peut-être vous étonner, mais j'aimerais vous parler des somnifères/calmants que vous prenez. Etes-vous d’accord que je vous explique pourquoi cela me paraît important ? »
  • « Si je veux vous en parler, c'est parce que je pense que vous n'avez pas vu le problème s'installer. »
  • « J'aimerais reparler avec vous des somnifères/calmants. Cela peut vous étonner étant donné que vous les prenez depuis longtemps déjà… mais cela me paraît suffisamment important pour que nous y revenions. Etes-vous d’accord que nous fassions ça maintenant ?

Quand vous abordez ce problème, vous le faites dans le cadre de votre vigilance en tant que médecin. Cela vaut la peine de l'expliquer à votre patient. Une attitude privilégiant la collaboration et faisant place à l’empathie reste l’idéal en médecine générale. Exemple : « En fait, je m'inquiète au sujet des somnifères/calmants que vous prenez déjà depuis un certain temps. Je suppose que cela vous convient, sinon vous ne les prendriez plus… Mais il faut que je vous explique pourquoi ce n’est pas sans conséquences. C’est ok pour vous que de prendre un moment pour en parler maintenant ? »

MIEUX VAUT EXPLORER QUE RÉFUTER LES « ARGUMENTS TYPES » DE VOS PATIENTS

L'exploration empathique de la résistance ou de la vision de votre patient ne signifie pas que vous êtes d'accord avec ses contre-arguments. Il est, en effet, beaucoup plus adéquat d'explorer ces « contre-arguments » que de les réfuter ou de conclure que, chez ce patient, l'arrêt n'est pas une option : explorer, c'est commencer à traiter.

L'exploration du vécu du patient doit se faire de manière acceptable et empathique, surtout en ce qui concerne la résistance à l'arrêt. Vous explorez ainsi, avec votre patient, ce que représente, pour lui, la prise chronique de BZD et vous identifier les obstacles au sevrage.    

Vous pouvez aussi anticiper les arguments-types du patient à l'aide de la fiche patient caractéristiques de la prise chronique de BZD. Cette fiche replace toute une série d'arguments-types dans le contexte de la prise de BZD.

EXEMPLES D’ARGUMENTS TYPES… ET DE RÉPONSES POSSIBLES

Argument type 1 : « Vous savez, ça me convient très bien comme ça docteur… ça ne peut pas être mauvais quand même. »

Réponses possibles : « J’entends bien que la situation vous semble confortable. Mon rôle est de vous informer sur un risque important pour votre santé qui peut se cacher derrière ce confort. Si ce risque est bien réel, vous m’en voudriez de ne pas vous avoir alerté et vous auriez bien raison.

« Oui, Vous avez le sentiment que cela vous convient ? Est-ce que vous seriez tout de même d’accord pour que nous passions en revue les effets indésirables dont je vous parle ? Comme cela, nous pourrions en discuter sur une base concrète. »

Argument type 2 : « Chez moi, il fait encore de l'effet, car si je ne le prends pas, je ne peux pas dormir ! »

Réponses possibles : « Oui, bien sûr, je vous crois quand vous dites que sans votre comprimé, vous avez des difficultés à vous endormir. S’endormir, c’est une chose, bien dormir s’en est une autre. Ce que les études récentes montrent, c’est que, avec ces médicaments, la qualité du sommeil est moins bonne. Bref, il est moins profond, on récupère moins bien, donc on est plus nerveux (anxieux) la journée et le soir, il faut absolument un comprimé pour s’endormir. Ce cercle vicieux vous évoque quelque chose ?»

« Peut-être, avez-vous l’impression que ces effets indésirables ne vous concernent pas…A votre avis, pourquoi est-ce que je mets de l’énergie pour vous en parler ? » 

Argument type 3 : « Je les prends depuis déjà tellement longtemps… »

Réponse possible : « Oui, ça peut paraître étonnant que j’attire votre attention sur un traitement que vous prenez depuis si longtemps déjà … Et justement après tout ce temps, on pourrait presque oublier qu'il s'agit de médicaments... et ce n’est pas anodin. »

Argument type 4 : « Mon médecin précédent m'a dit que je ne devais jamais les arrêter… »

Réponses possibles : « Je sais que cela paraît un peu abhérant que je me préoccupe de ces médicaments alors que votre médecin précédent semblait avoir toute confiance en eux... Le  fait est que la médecine ne cesse d’évoluer et là, nous avons de nouvelles informations que nous ne pouvons pas laisser de côté. Je vous en dis un peu plus ? »

« Est-ce que vous pensez que, par là, votre médecin précédent voulait vous dire de ne jamais arrêter ces médicaments du jour au lendemain ? Si c’est le cas, c'est tout à fait vrai ! D’ailleurs, si nous décidons ensemble d'arrêter ce traitement, il faudrait diminuer vos prises progressivement et je vous accompagnerai dans ce processus en suivant les choses de près... Et vous, où en êtes-vous avec ce traitement ? Avez-vous déjà pensé à le diminuer, voire à l’arrêter ? »

8.4Phase 2 : Accroitre la motivation

INFORMER PEUT-IL SUFFIRE ?

Aborder le problème et informer le patient quant à l'usage et l’arrêt des BZD est une intervention nécessaire et très importante (phase 1). Parfois, cette information suffit pour que le patient se rende compte de son problème et demande à savoir comment il pourrait arrêter. Concrètement, le mot d'ordre, c'est un sevrage progressif et accompagné qui nécessite que votre patient soit prêt à s’engager dans ce processus. Vous pouvez alors mettre en place un plan de sevrage (voir chapitre 8.5 – phase 3).

Dans beaucoup d’autres cas, une intervention minimale ne permet cependant pas d’amener la motivation de votre patient à un niveau suffisant. C’est alors que vos interventions motivationnelles sont nécessaires (phase 2). Respectez toujours le rythme de votre patient et s'il s’avère qu’il n’est pas encore prêt pour débuter le sevrage, accompagnez-le et aidez-le à renforcer progressivement sa motivation, jusqu’à ce qu’il le soit.

L’OBJECTIF DE LA PHASE 2 : LA MOTIVATION INTRINSÈQUE

Après avoir fait preuve de vigilance et d'initiative au niveau de l'abord du problème avec votre patient (phase 1), votre tâche consiste surtout, en tant que médecin généralise, à aider le patient à augmenter sa motivation (phase 2). Une motivation intrinsèque réelle est nécessaire pour la réussite du sevrage.

NB : exercer une pression sur votre patient risque cependant de lui insuffler une motivation « forcée » qui ne constitue pas une bonne base, si votre objectif est un changement de comportement durable. Dans le même ordre d'idée, lui faire peur ne mène généralement pas non plus à un changement durable.

3 prerequis

La motivation intrinsèque de votre patient ne peut se développer que 3 de ces besoins de base sont rencontrés  :

  • Autonomie:« Je choisis moi-même de m’engager dans ce processus de sevrage ».
  • Solidarité relationnelle:« Mon médecin généraliste m'aide ».
  • Compétence:« J'en suis capable ».

En accordant de l'attention aux besoins de votre patient, vous favoriserez sa réussite.

LE cycle du changement : VERS LA DÉCISION D’ARRÊTER

On trouve de nombreux modèles théoriques relatifs aux changements de comportement. Dans le cadre d'une pratique de médecine générale, le « cercle » de Prochaska et DiClemente aide à la mise en place d’interventions ciblées et efficaces.

Ce cercle décrit les étapes que traverse un patient pour atteindre finalement un niveau de motivation permettant un changement de comportement (ici l'arrêt des BZD). Il s’agit là de tout un processus de maturation.

A l’aide de l’outil d’aide à la pratique Cycle du changement, vous adapterez vos interventions selon le niveau de motivation que présente le patient, c’est-à-dire le niveau où il se trouve dans son processus de changement. 

PRÉCONTEMPLATION 

 CARACTÉRISTIQUES DE CETTE ETAPE

Votre patient ne reconnaît pas le problème et n'envisage pas d'arrêter les BZD. Il se trouve en phase de « précontemplation » ou de pré-réflexion : à ce niveau, il n'y a pas (encore) d'intention de changement (arrêt des BZD).

Le patient peut avoir conscience qu'il y a un problème (il connaît les désavantages/risques/effets indésirables des BZD) mais le nier (le patient n'identifie pas le problème comme étant le sien et réagit avec des arguments types).

Continuez à vous concentrer sur l'abord du problème : informations relatives à l'usage des médicaments  (voir chapitre 8.3 – phase 1).

OUTILS ET INTERVENTIONS

  • Vous pouvez demander à votre patient de compléter la fiche patient Caractéristiques de la prise chronique de BZD, ce qui est une manière de stimuler la réflexion de votre patient sur ce problème.
  • Votre seul objectif est de l'informer : explorez ses résistances, mais n'entrez pas dans le conflit.

Des interventions paradoxales (par exemple : « si je comprends bien, vous me dites que vous voulez continuer à prendre ces médicaments jusqu'à la fin de votre vie ? ») peuvent néanmoins parfois aider à entamer une discussion sur le sujet avec votre patient.

CONTEMPLATION

CARACTÉRISTIQUES DE CETTE ETAPE

Votre patient reconnaît le problème et envisage un jour d’arrêter les BZD même si le projet n'a pas encore concret. Le patient se trouve dans la phase de « contemplation » ou de réflexion : à ce stade du processus, le patient pense à un changement de comportement. C’est le début de l’intention de changer.

Le patient se rend compte qu'il a un problème, il a pris au sérieux les recommandations reçues quant à l’usage des médicaments et l’envisage pour lui-même. La motivation de faire bouger les choses est présente, mais il n'en n’est pas encore au stade de l'action. Respectez le rythme de votre patient.

OUTILS ET INTERVENTIONS

Pendant cette phase, vous pouvez déjà informer votre patient (= faire une proposition) sur la manière dont peut se dérouler son sevrage, mais sans décider à sa place du moment où il débutera.

Pour cela, vous pouvez lui remettre la brochure d’information Je veux arrêter les somnifères.

Continuez d’explorer largement les ambivalences et les hésitations de votre patient.

Questions et outils qui peuvent être utiles dans le cadre de cette exploration :

  • A-t-il déjà réussi à abandonner des habitudes dont il voulait se défaire ?
  • Que fait actuellement le patient pour limiter la prise des BZD ?
  • Le patient peut-il lui-même se fixer un délai dans lequel il souhaite agir ?
  • Les outils d’aide à la pratique Les pour et les contre et Echelle de motivation ou encore le  Bendep. 
  • Complimenter votre patient pour les pas déjà franchis a tout son sens et s'avère bénéfique pour la relation médecin-patient : « Je suis content(e) d'entendre que vous avez pris conscience que prendre des BZD n'est pas bon pour votre santé.

PREPARATION

CARACTÉRISTIQUES DE CETTE ETAPE

Votre patient a le projet concret d'arrêter (phase de décision). Informez votre patient que l'arrêt des BZD ne doit pas se faire du jour au lendemain, mais, qu'ensemble, vous allez analyser la meilleure manière d'arrêter le médicament.

OUTILS ET INTERVENTIONS

  • Vous pouvez informer votre patient en lui remettant la brochure Je veux arrêter les somnifères.
  • La façon de réaliser concrètement le sevrage est expliqué dans la phase 3.
  • Continuez d’explorer largement les ambivalences et les doutes (toujours présents) du patient : pourquoi votre patient hésite-t-il encore aujourd'hui (ici et maintenant) à arrêter ? En explorant les hésitations et les ambivalences, vous pouvez déjà identifier les obstacles et les
  • Un outil d’aide à la pratique dans cette exploration est, par exemple, l’Echelle de motivation.
  • Cette exploration vous amènera probablement à utiliser le Bilan : quelles sont les contraintes et les ressources de votre patient et comment améliorer leur rapport dans le cadre d'un sevrage (qui va forcément augmenter la charge du problème). 
  • De quelle manière le patient peut-il s'aider lui-même ? Comment le patient peut-il gérer (coping) les situations stressantes ?
  • Dressez l'inventaire du soutien social dont il peut bénéficier et mettez l'accent sur l'autorécompense.
  • Quelles sont les difficultés que prévoit de rencontrer le patient et comment pense-t-il pouvoir y faire face ? Comment peut-il augmenter sa résilience ?
  • À quoi se raccrochait le patient précédemment pour se défaire de ses habitudes problématiques ?

ZOOM SUR LE SCHÉMA 5’

Cherchez des alternatives pour les situations dans lesquelles le patient aurait tendance à simplement reprendre son médicament, à l'aide du Schéma 5’.

Le médecin  apprend au patient à utiliser le patient ce schéma, afin de lui permettre d'établir des liens entre les événements ou les circonstances qui déclenchent un certain comportement (par exemple, prendre des BZD).

Dans le schéma 5’, une situation spécifique peut faire l’objet d’un examen approfondi. Elle peut s’analyser comme une suite de : Circonstances — Pensées — Emotions — Comportements — Conséquences. Cette analyse permet de mieux comprendre pourquoi un comportement persiste. Les « Pensées » et les « Comportements » constituent, dans ce schéma, des points d'entrée pour initier le changement.

Encourager votre patient à trouver des alternatives au niveau de ses pensées et de ses comportements peut donc constituer une intervention appropriée.
Peut-il entrevoir la situation autrement ?
Peut-il adopter un autre comportement qui lui apporte également satisfaction, mais qui comporte moins de conséquences négatives ?

Schéma 5’ pour explorer la dépendance

Date et Jour

Circonstances

Qui, quoi, où

Pensées

Émotions

Comportements

Conséquences

Jeudi 21 juillet

Fête d’anniversaire chez une amie

Je vais être nerveux et peut-être rougir

Craving

Prendre une benzo tout de suite et en prendre une avec, car on ne sait jamais

Été tranquillement à la fête

Schéma 5’ pour explorer une situation piège

Date et Jour

Circonstances

Qui, quoi, où

Combien de temps va-t-il être parti ? Je me fais du soucis et ne pourrai pas dormir. Un médicament va m’aider.

     
     

Chagrin, craving

En reprendre encore une

Dormi correctement

Schéma 5’ pour explorer le problème sous-jacent

Date et Jour

Circonstances

Qui, quoi, où

Pensées

Émotions

Comportements

Conséquences

Mercredi 2 novembre

J’ai reçu au travail des remarques sur un dossier malficellé

Je suis un loser

Angoisse, chagrin

Rentré à la maison, pris une benzo et été me réfugier au lit

Ai échappé à ce monde hostile

8.5Phase 3 : Le sevrage

PASSER à l’action

Quand votre patient déclare de lui-même vouloir commencer le processus de sevrage (motivation intrinsèque), il est prêt à passer à l’action !

A ce stade, aidez-le à prendre les précautions nécessaires quant au processus qu'il entame et proposez-lui un schéma de sevrage médicamenteux.

PReparez VOTRE PATIENT POUR UN SEVRAGE RÉUSSI

  • Informez votre patient que l'arrêt des BZD ne doit pas se faire du jour au lendemain, mais qu'ensemble, vous allez étudier la meilleure manière d'arrêter le médicament. Dites-lui aussi qu'une rechute ou un écart constituent la règle plutôt que l'exception. En effet, dans la majorité des cas, la personne n'est pas capable de consolider les premiers résultats atteints, dès la première tentative. Les rechutes sont donc fréquentes et ne prédisent aucunement un échec en cas de nouvelle tentative, bien au contraire. Une rechute apprend au patient à mieux reconnaître les pièges et donc à les anticiper lors de la prochaine tentative. De plus, tout nouveau comportement doit s'intégrer dans la vie du patient et être lié à d'autres activités, ce n'est pas évident... Discuter avec le patient du risque de rechute dès le début permet de prévenir le sentiment de honte qu'il pourrait ressentir si cela devait lui arriver.
  • Invitez votre patient à faire son Bilan et à discuter de l'impact d’une contrainte supplémentaire. En effet, le processus de sevrage des BZD représente une nouvelle contrainte, temporaire. Au fil de ce processus, vous pourrez anticiper les pièges et identifier comment accroître les ressources de votre patient.
    • Que peut-on faire pour accroître les ressources?
    • Que peut-on faire pour diminuer les contraintes?
    • Quelles stratégies d’adaptation peut-il adopter ?

LE SEVRAGE MÉDICAMENTEUX

Le sevrage médicamenteux des BZD doit se faire progressivement et exige un suivi strict : prévoyez donc des consultations de suivi !

Pendant ces consultations de suivi, continuez à soutenir votre patient. Vous pouvez également lui expliquer que les symptômes de sevrage sont tout à fait attendus : vous pouvez le tranquilliser en lui disant que ces symptômes vont disparaître avec le temps et qu'ils font partie du processus.

Avertissez le patient qu'il ne doit pas arrêter trop rapidement : cela augmente les symptômes de sevrage, ce qui pourrait le faire douter et lui donner l’impression qu'il « n'y arrivera pas ».

SYMPTÔMES DU SEVRAGE

Les patients dépendants des BZD présentent les symptômes de sevrage suivants :

  • Symptômes de sevrage physiques :tremblements, élévation de la tension artérielle, transpiration, agitation, angoisses et problèmes de sommeil (insomnie de rebond). Ces symptômes sont dus au sevrage pharmacologique. L'insomnie de rebond ou l'angoisse conforte le patient dans sa conviction que son problème de sommeil ou d'angoisse est toujours trop présent que pour arrêter les BZD.
  • Symptômes de sevrage psychologiques: l'envie ou le besoin compulsif de reprendre des BZD (craving). Ces symptômes s'expliquent par la croyance du patient que ce sont les BZD qui permettent de dormir correctement. C’est ainsi que les personnes qui prennent des somnifères n'arrivent pas souvent à facilement les arrêter, même si leur sommeil n’est pas de qualité, malgré leur prise de somnifères. La dépendance psychologique aux somnifères s'installe rapidement. Vous comprenez que l'inquiétude de votre patient face à l'anticipation d'une nuit difficile sans somnifère ne favorise pas une bonne nuit de sommeil et qu’un cercle vicieux psychologique s'installe alors.

Dans le cadre de l'information du patient à l'usage des médicaments, il est important d’expliquer aux patients que l'efficacité des BZD est fortement liée à leurs croyances et que les effets désagréables qu’ils ressentent en cas d’arrêt du médicament sont probablement des symptômes de sevrage.

UN AUTRE MÉDICAMENT ?

Donner un médicament supplémentaire de soutien n'a aucun sens. Aucun produit (antidépresseur, mélatonine, antiépileptique…)  n’a démontré de bénéfice lorsqu'il était prescrit dans le cadre du sevrage des BZD en médecine générale.

Cependant, une BZD peut être remplacée par du diazépam (conversion en dose équivalente), dont le temps de demi-vie est long. Vous pouvez donc discuter avec votre patient de la manière dont il veut arrêter : avec la diminution progressive de sa BZD habituelle ou avec du diazépam ? Le diazépam n’est alors pas utilisé comme produit supplémentaire, mais comme produit de remplacement.

Attention toutefois aux patients âgés. Chez les patients âgés, il est déconseillé de convertir la BZD en doses équivalentes de diazépam (répertoire CRS). Cette conversion peut tout de même être indiquée :

  • En cas de prise de substances à courte durée d'action (de type triazolam) ;
  • Si le patient prend aussi des BZD pendant la journée ;
  • En cas de symptômes de sevrage sévères lors d'une tentative précédente.

EXEMPLES DE SCHÉMA DE SEVRAGE

Ce lienvous aide à proposer un schéma de sevrage concret à l'aide du diazépam en 6 ou 12 semaines, choix qu'il vaut mieux faire en concertation avec votre patient.  
Voir aussi leRépertoire commenté des médicaments 10.1.1. 

En cas de sevrage avec le médicament habituel, diminuer de 10 à 20 % toutes les 2 à 4 semaines.

Par ex. : bromazépam 6 mg - 3 par jour (6 mg bromazépam ≈ 10 mg diaz.)

 

 

 

Avec du bromazépam 3 mg

Avec du diazépam 5 mg

Semaine 1

1,5 - 1,5 - 1,5

2 - 2 - 2

Semaine 2

1,5 - 1,5 - 1,5

2 - 1,5 - 2

Semaine 3

1,5 - 1 - 1,5

1,5 - 1,5 - 1,5

Semaine 4

1,5 - 1 - 1,5

1,5 - 1,5 - 1,5

Semaine 5

1 - 1 - 1,5

1,5 - 1 - 1,5

Semaine 6

1 - 1 - 1

1 - 1 - 1,5

Semaine 7

1 - 0,5 - 1

1 - 1 - 1

Semaine 8

0,5 - 0,5 - 1

1 - 0,5 - 1

Semaine 9

0,5 - 0,5 - 0,5

0,5 - 0,5 - 1

Semaine 10

0,5 - 0 - 0,5

0,5 - 0,5 - 0,5

Semaine 11

0 - 0 - 0,5

0,5 - 0 - 0,5

Semaine 12

STOP

0 - 0 - 0,5

Semaine 13

STOP

8.6Outils pour le sevrage des BZD

Utilisation rationnelle des antidépresseurs

9.1Introduction

Le pourcentage d'utilisateurs d'antidépresseurs en Belgique fluctue autour d'un chiffre stable de 13 % de la population. Cependant, la quantité totale d’antidépresseurs consommés est en constante augmentation, passant de 73,5 DDD pour 1000 habitants en 2009 à 79,4 DDD pour 1000 habitants en 2019 (Atlas AIM).

Il existe par ailleurs un paradoxe concernant la prescription des antidépresseurs.

D’une part, ils sont parfois prescrits de manière excessive ou inadaptée. Par exemple :

  • Au terme d’une première consultation, quoique certaines situations urgentes peuvent le nécessiter
  • Pour des symptômes dépressifs ou des dépressions légères
  • De façon brève. Ainsi, près de la moitié des patients recevant une première prescription d’un antidépresseur ne reçoivent pas de renouvellement de prescription de la part de leur médecin par la suite

D’autre part, de nombreux cas de dépression ne sont pas diagnostiqués et donc pas traités de façon adéquate. La dépression est une pathologie dont le diagnostic est parfois difficile et qui nécessite, de la part des médecins, une attention particulière.

La consommation d’antidépresseurs est en constante augmentation dans notre pays, pour un ensemble d’indications reconnues dont la dépression est la plus importante. Alors que la prescription dépasse trop souvent ces indications, paradoxalement certains patients ne sont pas traités, faute de diagnostic.

9.2Principes généraux d'utilisation

INITIATION

Un antidépresseur ne sera jamais prescrit lors d’une première consultation (sauf conditions exceptionnelles) et toute introduction d’un antidépresseur se fera au terme d’un processus de décision partagée avec le patient en fonction de son parcours antérieur et de ses souhaits, du degré d’urgence estimé, etc. Une mise au point préalable de la situation par une exploration empathique (voir chapitre 5.1) et une approche biopsychosociale (voir chapitre 5.3) sont toujours nécessaires, ainsi qu’une évaluation de la balance bénéfices/risques. Le choix sera adapté en tenant compte de la réalité du patient et de ses préférences. Vous aborderez également directement la question de la fin du traitement et du processus de sevrage. Ceci permettra au patient de se préparer psychologiquement à cette étape parfois difficile et à diminuer le risque d’une prise chronique.

LE CHOIX DE L’ANTIDÉPRESSEUR

Il dépend des comorbidités du patient, de ses antécédents médicaux, des interactions avec d’autres médicaments, du prix du médicament et de l’expérience ou de la préférence du prescripteur.

POSOLOGIE

Les posologies initiales et thérapeutiques ciblent dépendent du type d’antidépresseur, de l’indication, de l’âge du patient (prudence avec les patients âgés) et de sa fonction rénale.

MESURES THÉRAPEUTIQUES SELON LE MODÈLE DE SOINS PAR ÉCHELON

Un antidépresseur ne sera instauré qu’après la mise en place de mesures non médicamenteuses ou en complément de celles-ci, en cas de dépression modérée à sévère. Son utilisation est ainsi souvent précédée ou accompagnée d’un suivi psychothérapeutique.

DÉLAI D’APPARITION DES EFFETS THÉRAPEUTIQUES

Les premiers effets se manifestent 2 à 3 semaines après l’instauration du traitement, l’effet complet après 4 à 6 semaines (6 à 8 semaines chez le patient âgé). Les effets indésirables sont, par contre, parfois ressentis dès l’instauration du traitement.

DURÉE DE TRAITEMENT

L’utilisation des antidépresseurs implique un traitement de longue durée afin de limiter le risque de rechute. Vous attendrez 6 mois avant d’envisager l’arrêt de la médication chez la plupart des patients et 9 à 12 mois chez la personne âgée. En cas de risque de rechute significatif (dépression récurrente), le traitement peut être prolongé jusqu’à deux ans, voire à très long terme, par exemple si plus de 2 rechutes de dépression modérée à sévère, ou en cas de trouble dépressif persistant.

SUIVI

L’instauration d’un traitement antidépresseur nécessite une surveillance étroite, tant pour s’assurer des effets thérapeutiques et de l’observance thérapeutique que pour identifier l’apparition d’effets indésirables ou d’interactions médicamenteuses. Une fois l’antidépresseur débuté, la fréquence du suivi sera d’une rencontre toutes les semaines ou toutes les deux semaines, jusqu’à l’installation d’une réponse satisfaisante au traitement. Par la suite, la fréquence d’une rencontre toutes les 2 à 4 semaines est en général suffisante. En cas de dépression, la fréquence du suivi dépend de l’âge du patient et de la gravité de la dépression. Le recours à un antidépresseur peut majorer le risque d’idéations suicidaires et de passage à l’acte en début de traitement. Vous serez donc particulièrement prudent chez les jeunes hommes (moins de 30 ans) dont le risque est plus important que dans les autres groupes de patients.

SEVRAGE

Aborder la question du sevrage (voir chapitre 10) avant même de débuter la prise d’un antidépresseur accroit les chances d’un sevrage mené à bien, au moment opportun. 

Le médecin doit savoir quand et comment prescrire un antidépresseur. A chaque étape du traitement, l’information du patient et l’obtention de son consentement et de sa collaboration sont essentielles.

9.3Les indications des antidépresseurs

DÉPRESSION 

Les antidépresseurs sont recommandés dans certains types de dépression, et toujours introduits en complément d’interventions non médicamenteuses :

  • Chez les patients souffrant de dépression modérée à sévère
  • Chez les patients présentant un risque de suicide*
  • Chez les patients souffrant de dépression bipolaire
  • Chez les patients souffrant de dépression avec des caractéristiques psychotiques

Dans de nombreux cas, il convient de demander un avis psychiatrique et de l'associer à une psychothérapie.

*Chez les patients âgés de moins de 30 ans, il est souhaitable d'accorder une attention accrue à une augmentation possible des idées suicidaires lors de l'instauration d'un antidépresseur, surtout en cas d’anxiolytique associé.

La valeur ajoutée dans les cas de dépression légère n’est pas claire et ils ne doivent pas être utilisés dans cette indication de manière systématique. Votre approche se concentrera principalement sur les facteurs psychologiques et sociaux.

Les antidépresseurs sont par ailleurs à envisager chez les patients :

  • Ayant déjà été traités avec succès par ceux-ci
  • Présentant des symptômes dépressifs à long terme (plus de deux ans) correspondant au trouble dépressif persistant du DSM 5
  • Pour qui les interventions non pharmacologiques ne procurent pas de résultat suffisant

La prescription d’antidépresseurs n’est indiquée que dans certains types de dépression.

Un plan de traitement commun

Il est toujours opportun de débuter ce type de prise en charge par une psychoéducation personnalisée, et ce dans un langage compréhensible. Ce n'est que lorsque le patient a des réponses suffisantes aux questions : « Qu'est-ce que j'ai ? » et « A quoi est-ce dû ? » que vous pouvez aborder avec le patient : « Comment puis-je aller mieux ? ».

L'élaboration d'un plan de traitement est un processus de décision partagée : il s'agit d'associer le patient à ce plan sur la base d'une compréhension commune de la maladie. Cela améliore l'adhésion au traitement et conduit à un résultat plus favorable.

Une compréhension commune (entre médecin et patient) du « pourquoi » de la maladie, résultat d’une exploration biopsychosociale de la situation, permettra l’élaboration d’un plan de traitement auquel le patient adhère.

Informer le patient

Votre patient a besoin d'une information complète, afin de pouvoir s’impliquer pleinement dans sa prise en charge et de vous communiquer son consentement éclairé. Il est donc important d’informer votre patient sur le fait :

  • Que des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux sont toujours impliqués dans la dépression (psychoéducation). Le traitement médicamenteux n’agit donc que sur un des facteurs de la dépression et c’est en agissant sur l’ensemble des facteurs que l’on obtiendra les résultats les meilleurs et les plus durables. Vous pouvez illustrer votre explication avec l’utilisation d’outils d'aide à la pratique tels que le modèle biopsychosocial ou le bilan de dépression. Cette compréhension permet de se prémunir du risque d’une croyance excessive de la part du patient dans le rôle du médicament au cours du processus de guérison. La dépendance psychologique au médicament rend plus difficile le sevrage progressif de l’antidépresseur au moment opportun.
  • Que les antidépresseurs agissent sur le système nerveux central mais que leur mécanisme d’action exact est incomplètement connu. Une partie de leur effet consiste à augmenter la présence de certains neurotransmetteurs tels la sérotonine, la noradrénaline ou la dopamine. Découlant de leur action, des effets secondaires peuvent se produire. De plus, l'effet souhaité sur les symptômes dépressifs n'est attendu qu'au bout de quelques semaines, mais les effets secondaires (tels que nausées, céphalées, vertiges, agitation ou troubles du sommeil) peuvent être ressentis immédiatement.
  • Que les antidépresseurs doivent toujours être pris sur une période suffisamment longue. Il faut 4 à 6 semaines pour qu'ils fassent effet et le sevrage ne sera envisagé que 6 mois après l’initiation. Il est donc inutile de prendre une seule boite d’un antidépresseur puis de l’arrêter.
  • Qu’il faut éviter d’arrêter brutalement un antidépresseur, sans quoi des symptômes de sevrage risquent d’apparaître. La médication est, en principe, interrompue progressivement 6 mois après son instauration. Il n’y a pas de preuve à ce jour d’une valeur ajoutée d’un traitement plus long, sauf en cas de risque accru de rechute. Pour en savoir plus voir chapitre 10.
  • Que l'utilisation prolongée d'un antidépresseur risque d’entraîner des effets secondaires et représente un coût non négligeable. Informez le patient qu’il peut toujours faire part, si tel est le cas, d’une volonté d’interrompre le traitement.  Des recherches ont montré que le médecin et le patient attendent souvent une prise d’initiative par l’un ou par l’autre pour aborder la discussion de l'interruption du traitement.
  • Que l’obtention de son consentement éclairé et de son implication sont importantes tout au long du traitement.
  • Qu’une fois la médication débutée, il est important (en plus du suivi des interventions non médicamenteuses) d'assurer un suivi régulier de l’évolution de la situation sous médication, afin de s’assurer notamment de l’observance thérapeutique et de la bonne tolérance au traitement. La fréquence d’une consultation hebdomadaire ou d’une consultation toutes les 2 semaines est en général indiquée en début de traitement. Une fois la situation stabilisée, les consultations pourront être progressivement espacées pour atteindre, par exemple, la fréquence d’une consultation mensuelle.
  • Qu’il est conseillé d'informer les autres intervenants participant à la prise en charge (psychothérapeute, pharmacien,... éventuellement les membres de la famille) de l’instauration du traitement. Ceux-ci peuvent jouer un rôle de soutien dans l'observance du traitement et aider à détecter précocement l’apparition d’effets secondaires.

Avant de débuter le traitement, il importe de discuter avec le patient :

  • Du rôle partiel des antidépresseurs dans le traitement de la dépression
  • De la nature des effets secondaires potentiels du traitement, découlant du mécanisme d’action des antidépresseurs
  • De la durée minimale de traitement
  • De l’importance de l’observance thérapeutique, soutenue par le réseau du patient
  • Des principes de sevrage
  • Des modalités de suivi
  • De la nécessité d’obtenir son consentement et son implication tout au long du traitement

Quel antidépresseur ?

Les deux classes d’antidépresseurs recommandées dans le traitement de la dépression en première ligne de soins sont les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et, malgré leurs effets secondaires, les antidépresseurs tricycliques (ATC). D’autres antidépresseurs peuvent également être envisagés en deuxième intention comme la Venlafaxine (IRSN, inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine).

En pratique ambulatoire, il n’y a pas de différence significative en termes d’efficacité entre ces deux classes, ni entre les molécules d’une même classe.

A noter que les nombreux effets secondaires des ATC sont à prendre en considération dans les prescriptions, raison pour laquelle ils sont peu prescrits en première intention.

Consultez également l’outil d’aide à la pratique Choix de l’antidépresseur.

Le choix d’un antidépresseur tiendra compte des spécificités du patient mais les deux classes recommandées en première ligne de soins pour le traitement de la dépression sont les ISRS et les ATC.

ISRS VS ATC

 

ISRS

ATC

DOSAGE

Dose thérapeutique cible dès l’initiation du traitement, sauf en cas de traitement chez la personne âgée où on débutera à demi-dose.
Pourra être augmentée après une période de quelques semaines, en cas de réponse thérapeutique insuffisante, si la tolérance le permet.

Initiation avec la plus petite dose disponible sur le marché, puis on augmentera la dose par paliers de 25 mg par semaine jusqu’à atteindre la dose thérapeutique cible. Prudence chez la personne âgée, escalade des doses plus progressive et dose maximale parfois inférieure à la dose thérapeutique cible habituelle.
Surdosage dangereux au vu du risque BAV irréversible => Attention si risque suicidaire significatif.

EFFETS INDESIRABLES

Digestifs (nausées, pyrosis, diarrhée, bruxisme…)
Neurologiques (insomnie, vertiges, céphalées, effets extrapyramidaux…)
Psychologiques (comportements compulsifs, agressivité, anxiété…)
Effets anticholineriques 
(Paroxétine +++)
Hémorragies (cutanées, muqueuses, digestives…)
Hyponatrémie
Augmentation de l’espace QT
(surtout en association à d’autres médicaments)
Citalopram, Escitalopram +++
Syndrome sérotoninergique
(confusion, agitation, symptômes dysautonomes et neuromusculaires… surtout en cas d’association à d’autres molécules sérotoninergiques : tramadol, dextrométorphane, triptans, IMAO…)
Dysfonction sexuelle (baisse de libido, retard d’éjaculation…)
Idées suicidaires (surtout en début de traitement)

Hypotension
Sédation (pour la plupart des ATC, en particulier l’amitriptyline, la dosulépine et la maprotiline)
Effets anticholinergiques périphériques (bouche sèche, constipation, dysurie…) et centraux (confusion, troubles mnésiques…)
(Amitriptilyne +++ Nortriptyline - ) Altération de la conduction cardiaque (BAV)
Dysfonction sexuelle (baisse de libido, retard d’éjaculation…)
Prise de poids
Idées suicidaires (surtout en début de traitement)

INTERACTIONS

Métabolisé par le CYP450, risque d’interaction médicamenteuse cas d’usage concomitant de :
- Tramadol, dextrométorphane, triptans, IMAO (syndrome sérotoninergique).

- AINS, aspirine, anti-vitamines K (saignements)

- Diurétiques (hyponatrémie)

- Macrolides, antifongiques, amiodarone, verapamil (allongement de l’espace QT)

- Anti-psychotiques (syndrome extra-pyramidal)

Avec autres molécules anticholinergiques

 

 

PREFERENCE

En cas de pathologique chronique concomitante

En cas de maladie de Parkinson, d’anxiété importante, de troubles du sommeil.

A EVITER

En cas d’usage de diurétique, anti-inflammatoire, AVK, molécule augmentant l’espace QT ou sérotoninergique
En cas de risque hémorragique
En cas de trouble digestif

En cas d’usage d’une molécule anticholinergique
En cas d’insuffisance rénale
Si volonté d’éviter les effets anti-cholinergiques
Si volonté d’éviter une prise de poids

CI si risque suicidaire significatif, pathologie cardiaque concomitante, glaucome à angle fermé

Des informations détaillées sont disponibles sur le site du CBIP :

ISRS : www.cbip.be/fr/chapters/11?frag=8151&matches=ISRS
ATC : www.cbip.be/fr/chapters/11?frag=8003&matches=ATC

Autres antidépresseurs non recommandés en première ligne de soins

Duloxétine : Pas de valeur ajoutée en première ligne dans la mesure où elle présente un risque accru d’effets secondaires, sans bénéfice supplémentaire.
Venlafaxine : choix valable dans le traitement de la dépression sévère ou résistante, elle n’est pas recommandée en première ligne de soins au vu de son profil bénéfices/risques défavorable.

 

IMAO 

Antidépresseurs anciens dont le profil de toxicité et le risque d’interactions médicamenteuses sévères (ainsi qu’avec certains aliments) en font une classe de médicaments à déconseiller en première ligne.

Trazodone : Souvent utilisée en dehors des recommandations officielles pour le traitement de l’insomnie (25 à 100 mg), elle est cependant trop sédative à dose thérapeutique (400 mg) pour un usage en première intention dans le traitement de la dépression.

Mirtazapine : Antidépresseur ancien dont le profil de toxicité et le risque d’interactions médicamenteuses sévères (ainsi qu’avec certains aliments) en font une classe de médicaments à déconseiller en première ligne.

Agomélatine : Innocuité et efficacité incertaines.

 

Inhibiteur de la recapture de noradrénaline

Réboxétine (SNRI) : Efficacité contestée.

 

Phytothérapie

Millepertuis : Le potentiel mécanisme d'action du millepertuis (Hypericum perforatum) est une inhibition de la recapture de la sérotonine et dans une moindre mesure, une inhibition des monoamine oxydases. Il est déconseillé en raison d’incertitudes au sujet du composant actif, de son efficacité, de sa posologie, de ses effets secondaires (maux de tête, anorgasmie, GI, photosensibilité) et de ses interactions avec d’autres médicaments (cf inducteur au niveau du CYP3A4, CYP2C9, CYP2C19).

 

Dépression de la personne âgée

La dépression peut avoir de nombreuses conséquences parfois dramatiques chez le sujet âgé et doit donc être dépistée et traitée efficacement.

En tant que médecin généraliste, vous veillerez à inclure l’entourage du patient (famille, personnel soignant, autres intervenants) dans la prise en charge globale de la dépression du sujet âgé. Il sera également important de proposer au patient des activités de groupe, cognitives et physiques et d’ouvrir un dialogue sur le vécu du patient. Par exemple, dans le cadre des soins collaboratifs, la personne âgée est invitée à raconter son histoire de vie sous diverses formes, ce qui semble avoir un effet thérapeutique. La dépression du sujet âgé comporte fréquemment une dimension spirituelle qu’il est important de prendre en considération.

Les antidépresseurs restent indiqués dans les cas de dépression modérée à sévère ou lorsque les symptômes dépressifs persistent malgré le recours à des thérapies non médicamenteuses. Il faudra être particulièrement prudent en cas d’introduction d’antidépresseur chez un sujet âgé car la balance bénéfices/risques est en général moins favorable. De plus, les patients âgés sont plus souvent consommateurs d’autres médicaments, ce qui accroit le risque d’interactions médicamenteuses. Enfin, d’autres comorbidités somatiques ou psychiatriques peuvent rendre plus délicat le recours à un traitement antidépresseur.

En pratique, le titrage sera plus progressif, jusqu’à atteindre la dose cible. Les doses maximales seront inférieures à celles utilisées chez les sujets plus jeunes. Le délai d’apparition des premiers effets thérapeutiques est en général de 6 à 8 semaines, plus long donc que pour les patients plus jeunes. La durée de traitement et le délai avant d’évaluer l’indication du sevrage de la médication est de 9 mois au lieu de 6 mois.

Les ISRS, au profil bénéfice/risque favorable, sont un premier choix. En particulier, la sertraline qui présente un risque plus faible d’interactions médicamenteuses. Prudence avec le citalopram et l’escitalopram car ils présentent un risque d'allongement de l’espace QT plus important.

Le médecin veillera tout particulièrement à adopter une prise en charge globale incluant l’entourage dans la prise en charge de la dépression du sujet âgé. En cas de recours à un antidépresseur, la sertraline est souvent recommandée. Il adaptera la posologie, le titrage et la durée de traitement aux spécificités de la personne âgée.

Anxiété

Le traitement de l’anxiété repose principalement en première intention sur la psychothérapie. Une médication ne sera prescrite qu’en cas d’échec ou de résultat insuffisant de celle-ci. Selon le type de psychothérapie, le patient apprendra à gérer son anxiété et ses réactions, à prendre en considération les émotions authentiques masquées par l’anxiété dominante ou encore à se détacher progressivement de ses stratégies d’évitement. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a rassemblé le plus de preuves de son efficacité dans cette indication.

Cependant, en cas de syndrome anxieux sévère impactant le quotidien du patient ou en cas de résultats insuffisants avec la psychothérapie seule, l’utilisation d’un antidépresseur peut être envisagée. La combinaison d’un antidépresseur et d’une psychothérapie permet une rémission plus durable des symptômes qu’en cas de psychothérapie seule. A noter toutefois qu’une revue critique exhaustive des méta-analyses les plus récentes (2014-2021) a montré la supériorité de la pharmacothérapie sur la psychothérapie.

Si un traitement médicamenteux est envisagé, les ISRS sont un premier choix en pratique ambulatoire en raison de leur rapport efficacité / risque favorable. Néanmoins, la Venlafaxine a également démontré son efficacité et constitue un deuxième choix valable.

Plus en détails :

  • Trouble anxieux généralisé : ISRS, Venlafaxine
  • Trouble panique : ISRS, Venlafaxine
  • Phobie sociale : ISRS, Venlafaxine, Mirtazapine, IMAO
  • Trouble obsessionnel compulsif : ISRS, Clomipramine

Dans la prise en charge de l’anxiété, les meilleurs résultats sont obtenus en combinant la psychothérapie et les antidépresseurs.

Troubles du sommeil

Les troubles du sommeil ne constituent pas une indication scientifiquement validée de recours aux antidépresseurs. Cependant, des antidépresseurs tels que le trazodone ou la mirtazapine sont, dans les faits, largement utilisés pour leur propriété sédative, comme alternative à la prescription de benzodiazépines. Toujours est-il que le rapport bénéfices/risques des antidépresseurs n’est pas suffisamment favorable que pour les recommander comme traitement de l’insomnie.

Malgré ce qui s’observe sur le terrain et les propriétés sédatives de certains antidépresseurs, la balance bénéfices/risques des antidépresseurs dans le cadre du traitement des troubles du sommeil est défavorable. Ils ne sont donc pas recommandés dans cette indication.

Douleur chronique

Les antidépresseurs (essentiellement les ATC, la venlafaxine et surtout la duloxétine) font partie du traitement des douleurs chroniques. La grande variabilité interindividuelle de l’efficacité et la tolérance les rendent néanmoins difficiles à manier. Leurs indications comprennent les douleurs neuropathiques (membre fantôme, douleur post-zostérienne), douleurs lombaires et le syndrome de douleur chronique ou la fibromyalgie.

Certains types de douleurs chroniques, essentiellement les douleurs neuropathiques, constituent des indications reconnues pour les antidépresseurs.

9.4Changement de classe d'antidépresseur

Il n’existe pas de schéma scientifiquement validé sur la manière d’effectuer un changement d’antidépresseur. C’est sur base de consensus ou de l’expérience de terrain que sont proposées des lignes directrices dans ce domaine.

On envisagera de changer de classe d’antidépresseur en cas de survenue d’effets insuffisants, d’effet secondaire ou en cas de majoration du risque lié à l’utilisation d’un type d’antidépresseur (survenue d’un incident médical, introduction d’un autre médicament…).

Un article paru dans le Folia d’avril 2019 proposait différentes approches : www.cbip.be/fr/articles/3038?folia=3037

Trois principes peuvent être retenus :

  • Plus le changement d’antidépresseur se fait rapidement, plus le risque de manifestations de sevrage est élevé.
  • Tout changement d’antidépresseur peut entraîner des manifestations de sevrage.
  • Certaines classes d’antidépresseurs ne peuvent être utilisées simultanément.

Au vu de la difficulté technique potentiellement présente en cas de changement de classe d’antidépresseur, le médecin généraliste n’hésitera pas à solliciter l’aide d’un psychiatre pour mener à bien ce processus.

Il n’existe pas de recommandation scientifique claire quant au changement de classe d’antidépresseur. L’aide d’un psychiatre sera souvent recommandée. Un changement progressif réduit le risque de manifestations de sevrage.

9.5Outils pratiques pour l’usage rationnel des antidépresseurs

Sevrage des antidépresseurs

10.1Aborder la question du sevrage

Les recommandations actuelles suggèrent d’envisager, de manière concertée, un processus progressif de sevrage d’un antidépresseur après 6 mois de traitement, 9 à 12 mois pour les patients âgés. En cas de risque de rechute, le traitement peut être poursuivi sur une durée plus longue (jusqu’à 2 ans) :

Sont à risque plus élevé de rechute :

  • Les patients présentant des épisodes récurrents de dépression ou une dépression chronique.
  • Les patients ayant présenté des problèmes fonctionnels importants.
  • Les patients présentant des symptômes résiduels.
  • Les patients avec antécédent d’épisode dépressif grave ou prolongé.
  • Les patients chez qui une rechute pourrait avoir de graves conséquences (perte de fonction, tentative de suicide…).

Dans les faits, de nombreux patients prennent des antidépresseurs depuis plus de 6 mois, sans que la pertinence de poursuivre davantage le traitement ne soit discutée avec eux. Pourtant, plusieurs éléments devraient motiver médecins et patients à envisager l’arrêt du traitement une fois la période recommandée de traitement révolue :

  • Pas de preuve qu’un traitement prolongé au-delà de 6 mois apporte une plus-value chez un patient ne présentant plus de symptômes dépressifs et n’étant pas en situation de risque de rechute particulièrement élevé.
  • La prise d’un antidépresseur comporte un risque potentiel d’apparition d’effets secondaires, parfois d’installation insidieuse et ignorés du patient et du médecin (prise de poids, baisse de libido, émoussement émotionnel, saignement digestif…).
  • Toute prise de médication représente un coût financier.
  • La prise d’un antidépresseur comporte un risque d’interactions médicamenteuses.

10.2L'approche du médecin

Il est capital d’informer le patient avant le début du traitement antidépresseur que l’indication de débuter le sevrage sera évaluée au terme de 6 mois de traitement. Ceci permet au patient de se préparer psychologiquement à un retour vers un quotidien sans médication. Cette perspective lui permettra de ne pas surévaluer le rôle de sa médication dans l’amélioration de sa situation et de lui donner confiance dans sa capacité à se passer de l’antidépresseur. De plus, la question sera probablement mieux accueillie par le patient s’il s’attend à l’aborder. Enfin, cette échéance permettra au médecin de garder en point de mire l’arrêt des prescriptions et de ne pas renouveler les prescriptions indéfiniment.

Cette évaluation représente par ailleurs une occasion de faire le point sur l’évolution des symptômes et de la situation globale du patient.

Aborder la question du sevrage avant même de débuter le traitement facilite l’arrêt de celui-ci au moment venu.

Le sevrage d’un antidépresseur sera facilité par une attitude vigilante du médecin, qui questionnera la pertinence de poursuivre la médication. Une information correcte, tant du patient que du médecin au sujet de l’utilisation des antidépresseurs et des modalités de sevrage, est également nécessaire de même qu’une bonne communication et qu’une relation de confiance.

La présence d'évènements de vie positifs telle qu’une rencontre, une naissance ou l’obtention d’un emploi sont parfois des occasions d’évoquer le sevrage de l’antidépresseur, car le patient a alors acquis des ressources psychologiques supplémentaires.

Enfin, il sera toujours nécessaire d’obtenir l’accord et la coopération du patient pour mener à bien un processus de sevrage. Si un patient fait preuve de fortes résistances à l’encontre de la proposition de diminuer la dose de son antidépresseur, on respectera son choix mais on évaluera régulièrement si un changement d’attitude se manifeste.

Le sevrage d’un antidépresseur est à considérer après 6 mois de traitement. On évaluera à ce moment le risque de rechute et l’évolution globale réalisée avec le patient. Le médecin doit être attentif à la durée du traitement en cours et discuter si nécessaire avec son patient du bien-fondé de poursuivre ou non l’antidépresseur.

 

Comment composer avec les réticences du médecin ?

  • Empathie: Un médecin peut, en tant que soignant, éprouver de l’empathie face à la souffrance d’un patient traversant un épisode de dépression. Il arrive donc parfois qu’il soit hésitant à proposer à son patient le sevrage d’un médicament qu’il estime peut-être utile de poursuivre. Dès lors, bien connaître les modalités de prescription et de sevrage des antidépresseurs et avoir conscience des différents facteurs jouant un rôle thérapeutique dans l’évolution de la situation du patient permettra au médecin d’être plus confiant au moment d’aborder la question du sevrage de l’antidépresseur.
  • Peur d’une rechute: Qu’un patient développe une récidive de dépression en cas de sevrage de la médication antidépressive est une crainte fréquente des médecins. Afin de limiter ce risque, vous évaluerez attentivement ce risque avant de débuter le sevrage afin de confirmer ou d’infirmer l’indication de le débuter. Si cette indication est retenue, vous veillerez à diminuer les doses de façon très progressive, en évaluant systématiquement l’état de votre patient après chaque diminution de dose. Ceci limitera le risque de mauvaise tolérance au sevrage et vous permettra de réagir rapidement en cas de besoin.
  • Renouvellement des prescriptions: En cas de renouvellement répété d’un traitement chronique, il peut arriver que la vigilance du médecin vis-à-vis de ce traitement diminue avec le temps et qu’il cesse d’évaluer régulièrement le bien-fondé de poursuivre ou non la médication. De plus, bien que nécessitant la validation finale du médecin, il est fréquent que le secrétariat ou l’accueil (maisons médicales) soit impliqué dans le processus de renouvellement de ces prescriptions, voire assure en partie cette tâche ou encore que les demandes de renouvellement se fassent par mail ou appel téléphonique. Le fait de valider ces prescriptions de façon routinière et sans nécessairement revoir le patient peut, là aussi, détourner le médecin de l’habitude d’évaluer de façon systématique l’indication de poursuivre ou non le traitement. Il est donc important que le médecin adopte une attitude critique devant tout renouvellement d’ordonnance, d’autant plus qu’un renouvellement de traitement peut être perçu par le patient comme une validation de ce traitement.

Une bonne connaissance des indications de prescription et de sevrage des antidépresseurs, un sevrage prudent et progressif lorsqu’il est indiqué et une évaluation de la pertinence de poursuivre le traitement devant tout renouvellement de prescription peuvent aider le médecin à composer avec ses réticences.

 

Comment composer avec les résistances du patient ?

  • Attente des consignes du médecin: Puisque c’est le médecin qui, en général, a proposé le recours à un antidépresseur, certains patients attendent de la part du médecin qu’il prenne l’initiative d’évoquer lui-même l’arrêt de la médication. Anticiper le processus de sevrage avant l’instauration du traitement et impliquer le patient dans les prises de décision permet de favoriser une attitude proactive de celui-ci.
  • Peur des symptômes de sevrage: Certains patients expérimentent des symptômes de sevrage en cas d’oubli de prise de leur antidépresseur ou gardent une mauvaise expérience de tentatives de sevrage précédentes. Un patient conscient du risque d’apparition de symptômes inconfortables alors qu’il se sent bien, peut être réticent à entreprendre un sevrage. Il sera donc important de questionner le patient sur la manière dont il a réagi lors des oublis de prises ou lors de processus de sevrage antérieurs. En cas d’expériences négatives, on l’assurera d’un suivi rapproché. On expliquera également au patient que les symptômes de sevrage, bien que fréquents, ne sont pas synonymes de rechute et qu’ils se résolvent rapidement en cas de reprise de la dose précédente.
  • Peur d’une rechute: Certains patients attribuent une grande partie, voire l’entièreté des raisons de leur amélioration clinique à la prise de l’antidépresseur. Il est alors logique que la perspective d’interrompre le traitement s’accompagne d’une crainte de voir réapparaître les symptômes qui avaient conduit à débuter l’antidépresseur.
    Il sera donc essentiel d’évaluer régulièrement et de manière globale l’évolution du patient et d’identifier avec lui les facteurs ayant favorisé une évolution favorable.
  • Contraintes pratiques: Un processus de sevrage bien mené demande de la part du patient de consulter son médecin à chaque réduction de dose, d’être attentif à la survenue d’effets secondaires et d’alerter son médecin en cas de signes de mauvaise tolérance. Une intensification du suivi et de la communication entre le patient et son médecin est donc nécessaire. Le médecin tentera de se rendre disponible pour son patient et de l’aider à planifier les rendez-vous de suivi. Il importe également que le patient comprenne pourquoi cette intensification de suivi est nécessaire afin qu’il puisse s’impliquer dans le processus de sevrage.

Le patient devra être bien informé quant aux risques de poursuivre inutilement sa médication et sur les modalités pratique du sevrage. Il vous faudra questionner le patient au sujet de ses expériences anciennes de sevrage et vous rendre disponible pour l’accompagner de façon rapprochée tout au long du processus.

10.3Le sevrage en pratique

La discussion préalable, une nécessité

Au terme de 6 mois de traitement (9 à 12 mois chez la personne âgée) et après en avoir préalablement parlé, vous évaluerez avec le patient si les conditions sont favorables pour initier le sevrage. Il est recommandé d’avertir les autres soignants impliqués dans la prise en charge du patient du sevrage en cours, de même que les membres de l’entourage du patient. Ceci afin de détecter précocement l’apparition de symptômes de sevrage et d’apporter au patient un soutien particulier lors de ce processus parfois difficile.

Vous expliquerez au patient qu’environ 50% des patients réalisant un sevrage d’antidépresseur expérimentent des symptômes en réponse à la diminution progressive des doses, mais que ces symptômes ne sont jugés invalidants que dans la moitié des cas.

Vous détaillerez la nature de ces symptômes au patient et le rassurerez quant au fait qu’en cas de survenue de symptômes de sevrage, une amélioration rapide survient en cas de retour à la dose précédemment utilisée.

Enfin, vous l’assurerez de votre disponibilité et veillerez à lui donner rendez-vous la semaine suivant une réduction de dose.

Il est important d’informer le patient de façon exhaustive sur les modalités du sevrage et le risque de survenue d’effets secondaires, tout en insistant sur le fait que les symptômes de sevrage sont rapidement réversibles et rarement sévères. Vous ferez en sorte qu’il se sente soutenu dans ce processus.

Un sevrage individualisé, suivi de près et progressif

Il n’existe pas de consensus se basant sur des données scientifiques validées concernant la manière adéquate de réaliser le sevrage d’un antidépresseur. Le procédé se base sur quelques concepts clés issus de l’expérience clinique.

Soutien et accompagnement

  • Entretien motivationnel: Les principes de bases de l’entretien motivationnel constituent, comme pour tout processus de sevrage, un outil précieux pour accompagner le patient et renforcer sa motivation. Les objectifs de l’entretien motivationnel sont triples :

    Autonomie : favoriser l’implication du patient dans le processus de sevrage.
    Implication : faire comprendre au patient qu’il n’est pas seul dans son effort et que son médecin, les autres soignants impliqués dans la prise en charge et les membres de son entourage peuvent lui apporter un soutien.
    Compétences : cultiver la confiance du patient dans ses capacités à réaliser le sevrage, tout en reconnaissant l’effort que cela nécessite.

  • Psychothérapie: La probabilité de succès du sevrage est plus importante en cas de psychothérapie. La TCC a démontré son efficacité dans cette indication.
  • Réseau du patient: L’entourage et les autres soignants impliqués dans la prise en charge du patient peuvent lui apporter un soutien et constituent une aide précieuse pour la détection précoce de symptômes de sevrage.
  • Suivi en médecine générale: Le patient sera évalué, au minimum, 7 à 10 jours après chaque réduction de dose.

Durée : Le sevrage consiste en une réduction progressive des doses sous forme de paliers, il sera réalisé sur une période de 4 semaines au minimum. En cas de présence de facteurs de risque de sevrage difficile, le processus peut être réalisé sur 6 semaines, voire davantage.

Facteurs de risques d’un sevrage difficile :

  • Symptômes de sevrage lors d’oublis de prise de la médication ou lors de tentatives de sevrage précédentes.
  • Hautes doses nécessaires lors du traitement afin d’obtenir une réponse thérapeutique.

Paliers individualisés : La promptitude à manifester des symptômes de sevrage et la nature de ces symptômes varient fortement d’un patient à l’autre. On adaptera donc la durée des paliers et l’écart des doses entre ceux-ci à la tolérance du patient et à la survenue ou non de symptômes de sevrage. A noter que plus la molécule utilisée par le patient à une durée de vie courte, plus le risque de voir apparaître des symptômes de sevrage en cas de réduction de dose est important.

Afin de détecter rapidement les signes d’une mauvaise tolérance, le médecin s’assurera de revoir son patient dans un intervalle de 7 à 10 jours après chaque réduction de dose. Si des symptômes de sevrage surviennent précocement ou de façon répétée, des paliers supérieurs à une semaine, voire de plusieurs semaines, peuvent être proposés.

Les dernières semaines sont parfois les plus difficiles à vivre pour le patient, car celui-ci est confronté à l’échéance proche de son processus de sevrage et au fait de se passer totalement de la médication qui l’a soutenu au cours des derniers mois. Afin d’aider le patient, on pourra proposer des doses très faibles en cas de fin de sevrage difficile. L’aide et l’avis du pharmacien et la préparation magistrale de petites doses (afin de maintenir une précision suffisante) seront alors utiles. Afin de vous aider, consultez le tableau reprenant les différents dosages des antidépresseurs disponibles en préparation magistrale.

 

 

A noter qu’il est déconseillé d’alterner entre des jours avec et des jours sans prise d’antidépresseurs. En raison de la courte demi-vie de la plupart des antidépresseurs, plus de 24h sans antidépresseur correspond à un arrêt soudain de celui-ci et risque d’entraîner des manifestations de sevrage.

En cas d’apparition de symptômes : Si des symptômes invalidants apparaissent, on proposera au patient de rétablir la dose précédente. Les symptômes disparaissent alors en principe sur une durée de 1 à 3 jours. Si les symptômes persistent plus d’une semaine, l’hypothèse d’une rechute doit être considérée. Il est donc important de discuter de la différence entre rechute et symptômes de sevrage :

 

Rechute de dépression

Sevrage d’un antidépresseur

Symptômes d’installation progressive (semaines)

Symptômes d’apparition rapide (jours)

Atténuation progressive (semaines) en cas de reprise ou intensification d’un traitement

Atténuation rapide (jours) en cas d’intensification du traitement

Symptômes similaires à ceux précédant l’instauration du traitement ou lors d’un épisode dépressif antérieur

  • Symptômes pseudo-grippaux : céphalées, léthargie, transpiration, frissons, fatigue, perte d’appétit, douleurs musculaires.
  • Troubles du sommeil : difficultés à s’endormir, cauchemars.
  • Symptômes gastro-intestinaux : nausées, vomissements, diarrhée et anorexie.
  • Problèmes d’équilibre : vertiges et troubles de la coordination.
  • Symptômes sensoriels : paresthésies et pallinopsie (rétention visuelle d’images après leur disparition dans le champ visuel).
  • Troubles psychologiques : anxiété, morosité, excitabilité/irritabilité ou désinhibition.
  • Symptômes extrapyramidaux, mouvements anormaux, tremblements.
  • Autres symptômes : troubles cognitifs, troubles du rythme cardiaque

 

Comme pour tout autre processus du sevrage, l’entretien motivationnel et la psychothérapie soutiennent le patient dans son effort. Les doses d’antidépresseur seront réduites progressivement, sur une période d’au moins un mois et par paliers d’au moins une semaine. La durée des paliers et la vitesse de diminution des doses sera adaptée au patient et au type d’antidépresseur. Le patient sera revu au minimum 7 à 10 jours après chaque réduction de dose. En cas de mauvaise tolérance, le patient reprendra la dose précédente bien tolérée et le médecin exclura l’hypothèse d’une rechute dépressive.

10.4Un exemple : le schéma de sevrage du CBIP

Un article du CBIP paru dans le Folia d’avril 2019 contient une proposition de schéma pour le sevrage des antidépresseurs. Les médecins peuvent s’en inspirer afin de planifier le sevrage, bien que la vitesse de réduction des doses et dès lors la durée du processus déprendront principalement de la tolérance du patient.

www.cbip.be/fr/articles/3038?folia=3037

 

En cas d’absence de facteurs de risque de sevrage difficile

  1. Étape 1 : Si la dose utilisée est supérieure à la dose cible habituellement recommandée, il convient de diminuer progressivement la dose utilisée sur une période de 2 à 4 semaines afin d’atteindre la dose ciblée recommandée.
  2. Étape 2 : La dose cible est maintenue en prise quotidienne sur une période d’au moins 2 semaines.
  3. Étape 3 : La dose cible est réduite de moitié et cette demi-dose est utilisée quotidiennement sur une période de 2 à 4 semaines. L’antidépresseur peut ensuite être arrêté. Un coupe-comprimé peut être utilisé si nécessaire.

 

Si des facteurs de risque sont présents au préalable

On peut s’attendre à des manifestations de sevrage plus prononcées. Les étapes 1 et 2 du sevrage seront identiques mais au cours de l’étape 3, on diminuera la dose semaine par semaine sur une période de 5 ou 6 semaines au lieu de 2 à 4 semaines. Lorsqu’on recourt à la prescription de très petites doses, une préparation magistrale permet souvent plus de précision que le recours à des fragments de comprimés.

 

Si, malgré le suivi de ces 3 étapes, les symptômes de sevrages sont trop invalidants, la dose actuelle peut être augmentée à la dose précédente qui n’entraînait pas de symptômes. Ceux-ci disparaissent alors généralement en 1 à 3 jours, après quoi la dose de l’antidépresseur pourra être réduite encore plus lentement.

Outils pratiques

11.1Outils d'aide à la pratique

INSOMNIE

Anxiété

STRESS

OUTILS SEVRAGE BENZODIAZéPINES 

DÉPRESSION

OUTILS D’EXPLORATION DIAGNOSTIQUE

OUTILS D’INTERVENTION THÉRAPEUTIQUE

oUTILS PRATIQUES USAGE RATIONNEL ANTIDéPRESSEURS

SEVRAGE DES ANTIDÉPRESSEURS

CBPI (2019). Manuel pour l’arrêt progressif des antidépresseurs 

11.2Pour aller un pas plus loin

ORIENTATION EN SANTÉ MENTALE

VERS UN·E PSYCHOLOGUE DE PREMIÈRE LIGNE

VERS UN·E PSYCHOLOGUE/PSYCHOTHÉRAPEUTE

VERS UN SERVICE DE SANTÉ MENTALE

VERS LES ÉQUIPES MOBILES

GUIDE-PRATIQUE POUR LES PATIENTS

SITE WEB POUR LES PATIENTS

SITE WEB POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Bibliographie et références

12.1Auteurs

UNIVERSITÉ DE GAND

  • Prof. Dr. Thierry Christiaens (Dr. Genees-, Heel- en Verloskunde, huisarts, klinisch farmacoloog)
  • Hanne Creupelandt
  • Jan Callens
  • Justine Callens
  • Dr. Joke Pauwelyn
  • Roland Rogiers
  • Dr. Anke Thoen
  • Evelien Lobbestael

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES - Département de médecine générale – ACTUALISATION DU GUIDE

  • Prof. Dr. Nadine Kacenelenbogen
  • Sébastien Varetto, Médecin généraliste
  • Lou Richelle, Médecin généraliste
  • Prof. Charles Kornreich
  • Luc Schreiden, Psychologue psychothérapeute
  • Anne-Marie Offermans, Sociologue

12.2Bibliographie

  • Anthierens, S. (2009). "Benzodiazepines sleeping through the problem": (Eviter d') initier une benzodiazépine en première ligne, perceptions des médecins généralistes, des patients et du personnel soignant [Benzodiazepines sleeping through the problem: (Avoiding of) initiation of benzodiazepines in primary care, perceptions of general practitioners, patients and nurses]. Journal de pharmacie de Belgique, (4), 138–140.
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  • Creupelandt, H., Anthierens, S., Habraken, H., Sirdifield, C., Siriwardena, A. N., & Christiaens, T. (2019). A tailored e-learning gives long-term changes in determinants of GPs’ benzodiazepines prescribing : a pretest-posttest study with self-report assessments. Scandinavian Journal of Primary Health Care, 37(4), 418‑425. https://doi.org/10.1080/02813432.2019.1663591
  • Creupelandt, H., Anthierens, S., Habraken, H., Declercq, T., Sirdifield, C., Siriwardena, A. N., & Christiaens, T. (2017). Teaching young GPs to cope with psychosocial consultations without prescribing : a durable impact of an e-module on determinants of benzodiazepines prescribing. BMC Medical Education, 17(1). https://doi.org/10.1186/s12909-017-1100-3
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  • Richard, C., & Lussier, M.-T. (2005). La communication professionnelle en santé (Erpi éd., Vol. 7). Renouveau Pédagogique.
  • Sirdifield, C., Anthierens, S., Creupelandt, H., Chipchase, S. Y., Christiaens, T., & Siriwardena, A. N. (2013). General practitioners' experiences and perceptions of benzodiazepine prescribing: systematic review and meta-synthesis. BMC family practice14, 191. https://doi.org/10.1186/1471-2296-14-191
  • SPF Santé Publique (d.). Dépression chez l’adulte en médecine générale [e-learning]. Retrieved from www.e-learninghealth.be
  • SPF Santé Publique (d.). Burnout [e-learning]. Retrieved from www.e-learninghealth.be
  • Uptodate (2021). Pharmacologic management of chronic non-cancer pain in adults [site internet]. Retrieved from https://www.uptodate.com/contents/pharmacologic-management-of-chronic-non-cancer-pain-in-adults?search=chronic%20pain&source=search_result&selectedTitle=2~150&usage_type=default&display_rank=2#H1217628645